Juré à la cour d'assises de Haute Savoie (6) : le deuil (lundi, 22 octobre 2007)

 Saint-Julien-en-Genevois 

Lors d'une des réquisitions du ministère public, l'avocat général a rappelé que la peine devait être déterminée en fonction des intérêts des victimes, des accusés mais aussi de la société. Se retournant vers la famille de la victime il a affirmé que le quantum de la peine infligée n'aiderait pas au travail de deuil de la famille en regrettant de n'avoir pas le temps d'expliquer plus en avant cette idée dans son réquisitoire. ll argumentait que la peine devait être une peine juste par rapport aux faits et à la personnalité des accusés mais ne devait pas être considérée comme un outil pour le deuil.

Je me souviens des expériences des familles des victimes de meurtres aux Etats Unis qui pourchassent le meurtier en justice jusqu'à l'obtention de sa condamnation à mort... et qui le lendemain de l'exécution se retrouvent désespérées en face de ce même travail de deuil. Elles avaient cru que l'exécution les aiderait à passer à autre chose et elles s'aperçoivent qu'en réalité il n'en est rien. Même après l'exécution il leur faut accepter la perte.

Dans plusieurs cas, le procès, les débats, les paroles des accusés permettent aux uns et aux autres de s'expliquer et de mieux comprendre le contexte social et humain. Tout cela est encore à des années lumières du pardon. Mais on voit des familles s'adresser la parole calmement pendant les pauses et malgré les faits. L'audience a de toute évidence une utilité psychologique. Elle aide les accusés à prendre conscience de la gravité de leurs actes et de leurs conséquences et aux familles de vivre malgré les faits. Mais il reste un travail personnel long et difficile d'acceptation des drames.

Souvent les familles remettent à après le procès le travail de deuil. Difficile d'accepter avant de comprendre, mais en même temps pourquoi remettre à plusieurs années ce travail personnel qui pourrait commencer plus vite ? Comment peut on apprendre du deuil des disparitions involontaires pour aider les familles des victimes à apprendre à vivre malgré tout ?

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