Traité de Lisbonne et démocratie (jeudi, 10 juillet 2008)
Lors de la campagne référendaire sur le traité constitutionnel en 2005, il y avait une objection qui me prenait de court. Je la trouvais tellement surréaliste que je ne savais pas comment y répondre : "je vais voter non juste pour les faire chier... de toute façon quelque soit le résultat du référendum ils feront passer le traité. Voter non n'a donc aucune conséquence sur la construction Européenne, et au moins je les emmerde".
J'étais pris au dépourvu. ll me semblait que cet argument montrait une mauvaise connaissance des institutions et de la vie politique du pays. A posteriori mon interlocuteur avait à peu près raison, les députés aux ordres ont adopté le traité de Lisbonne plutôt que de convaincre les Français et d'en être les porte paroles. Le traité de Lisbonne a été rejeté par les Irlandais, mais ne doutons pas que le Conseil Européen trouvera un moyen pour se passer de devoir écouter les citoyens de l'Europe.
Certains se demandent encore si le référendum était une bonne idée. Dans une démocratie c'est le peuple qui est souverain et les décisions importantes comme celle là doivent être décidée par le peuple. Avec des décisions comme celle-ci on s'apercoit que notre pays est de moins en moins démocratique et dérive de plus en plus vers la monarchie élective. Je refuse cette évolution. Il nous revient à chacun de réapprendre les vertus de la démocratie.
La démocratie est le meilleur des systèmes politiques pour plusieurs raisons. D'une part l'intelligence collective est presque toujours supérieure à l'intelligence des experts ou d'un clan. Pour prendre un exemple familier, mais cité parfois précisément par des experts, dans le jeu "qui veut gagner des millions" le public a beaucoup plus souvent raison que le joker de l'ami expert. Il y a dans le public des individus qui se trompent, mais ceux qui se trompent se répartissent équitablement dans les différentes réponses.
La démocratie est surtout le meilleur des systèmes car c'est le seul qui peut susciter une large adhésion. Il serait déjà suffisament insupportable de voir notre avenir dicté par un Président de la République a la personnalité pour le moins troublée. Cela deviendrait totalement intolérable si l'on imaginait que cela ne procéderait pas de la volonté populaire majoritaire mais de quelques manipulations de sondages de dernier jour plaçant Jean Marie Le Pen au second tour, de média sous contrôle et de la mise sous tutelle de responsables politiques apatés par quelques prébendes. Sans la démocratie, la désobéissance civile deviendrait légitime.
Le référendum constitutionnel me semble encore aujourd'hui largement préférable au traité de Nice qui régit encore l'Europe. Pourtant le Non au traité m'a appris beaucoup de choses sur la construction européenne et le besoin de rapprocher beaucoup plus l'Europe de ses citoyens. De redonner sens au projet Européen. C'est avec les Européens que l'Europe doit se construire.
La démocratie exige la liberté de parole - qui n'est que partielle en France avec des députés réduit au silence des militaires -, elle exige aussi la liberté de la presse - mise sous tutelle un peu plus chaque jour -, elle exige la pluralité politique - dont notre pays est privé depuis 2002 avec le détournement des scrutins majoritaires - elle exige des coutre-pouvoirs judiciaires et parlementaires - dont notre pays est privé par la mise aux ordres de la justice et la soumission des députés-. Notre démocratie se perd petit à petit.
L'expérience de l'année au sein du Mouvement Démocrate où l'on a beaucoup parlé de démocratie m'incite désormais aussi à penser que la démocratie ne s'invoque pas. L'invective "tu n'es pas un vrai démocrate" était le plus souvent prononcée par ceux qui écoutaient le moins les avis opposés. Dans l'histoire, les plus grands dictateurs se sont souvent érigés en démocrate à commencer par les Démocraties populaires de l'Europe de l'est. Il suffit aussi de considérer à quel point L'Union Démocratique du Centre n'a pas grand chose démocratique dans son fonctionnement ou ses propositions qu'elles voudraient imposer à la majorité des électeurs suisses.
La démocratie ne s'invoque pas mais se pratique personnellement : par l'écoute des autres, en s'informant avec exigence (plutôt que par des magazines peoples et des journaux qui les imitent), en refusant l'évolution monarchique du pays, en refusant les clivages partisans stériles, en affirmant haut et fort ce qui est juste même lorsque cela déplait au prétendu "souverain" (local ou national), en consultant la population et en faisant savoir ses souhaits, en refusant les idéologies toute faite (de droite comme de gauche) qui empêchent de comprendre la réalité et la complexité du monde.
De nombreuses études montrent à quel point nos comportements individuels changent le comportement de notre entourage par l'exemple. De proche en proche, nos comportements individuels changent nos sociétés. Nous avons un gros travail de démocratisation de la France à faire. Ce travail commence par nous même.
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