Mourir libre (mardi, 25 novembre 2008)
De manière aussi répétée que les marronniers des achats de noël ou le « grand chassé croisé des juilletistes et des aoutiens » (sic), nous sommes les spectateurs réguliers du désarroi de malades en souffrance qui veulent mourir.
Nous ne serons au contraire jamais les témoins du désarroi des malades impotents qui ont été euthanasiés contre leur volonté. Ils sont par définition médiatiquement invisibles.
Sur la mort, on ne peut s’exprimer qu’avec l’humilité de ceux qui vivent encore – tout en exprimant un point de vue qui fasse avancer le débat.
Qu’est-ce que l’euthanasie ?
Il y a l’euthanasie active qui consisterait à injecter des substances létales. Cela relève du crime et de la cour d’assise.
Il y a l’assistance médicalisée au suicide façon Exit : le patient se suicide lui-même et minimise la douleur ou la violence de l’acte grâce à des substances conseillées par un médecin. Les moyens d’information moderne rendront sans doute caduc le recours à un médecin pour avoir accès à cette information et ces substances. Cela relèvera bientôt du suicide tout court, de la liberté de conscience. Suicide qui est légalisé depuis longtemps.
Il y a l’euthanasie passive qui consiste à atténuer la douleur dans des proportions qui peuvent conduire à la mort ou encore cesser des traitements qui pourraient la prolonger artificiellement.
L’euthanasie passive se pratique tous les jours dans les hôpitaux sans cadre légal clair, mais surtout sans cadre moral clair.
Il y a souvent de la part des médecins plusieurs conditions :
1) une volonté exprimée et réitérée : le tabou de la mort n’aide pas à l’expression réitérée de cette volonté. Par ailleurs, la volonté réitérée n’est pas la preuve d’une volonté perpétuelle. Environ 5% des mariages sont annulés après l’envoi des invitations, preuve s’il en est qu’il y a un long chemin de la volonté réitérée au passage à l’acte. Il me semble que c’est le « lâcher prise » qui est le plus important : l’instant à partir duquel le malade renonce à se battre contre sa maladie.
2) Le diagnostic : le malade a-t-il un espoir de survie ? est ce que la maladie dégrade sa qualité de vie de manière intolérable pour le patient ? le diagnostic est il fiable ?
3) Les familles : les décisions sont prises avec les proches. Mais les proches ne sont pas objectifs ? Les témoignages des accompagnants montrent que les proches sont souvent plus angoissés que les mourants. Le désir de fin de vie est-il le desir des proches, celui du patient, ou celui du patient qui s’approprie la souffrance de ses proches ? Le tabou de la mort ne conduit-il pas le médecin à interpréter à tort des mots ou des signes ambigus ?
4) La souffrance : c’est souvent le traitement de la douleur qui conduisent au décès. De mon point de vue, le traitement de la douleur est la seule justification valable de l’euthanasie passive. La douleur du mourant est souvent inhumaine et dégradante. Elle avilit. Elle est inutile. La douleur empêche le mourant de garder le lien avec ses proches ou de mettre un terme à de vieux conflits. La douleur prive le corps de l’esprit.
J’ai lu que parfois la question de l’attribution des lits à des patients qui peuvent être soignés plutôt qu’à des mourants en phase terminale peut conduire des médecins à prendre plus ou moins consciemment des décisions qui accélèrent la fin de vie. Cela ne doit pas être le cas dans une société qui privilégie l’humain sur le matériel.
Chaque cas est unique. La loi est par nature générale. Une loi générale, en offrant un cadre, pourrait favoriser une utilisation irresponsable de l’euthanasie passive.
Y a-t-il un problème avec la loi actuelle ? Jusqu’à présent, les médecins avec les familles assument leurs responsabilités. Certaines plaintes ont été déposées. Elles ont conduit à des non lieux et des acquittements le plus souvent. A des condamnations dans des cas de meurtres avérés. Des médecins souhaiteraient avoir un cadre légal. Je pense au contraire que l’absence de cadre légal, les mets face à leurs responsabilités. L’acte est lourd. Il doit pouvoir être assumé. Si des médecins ne sont pas capables d’assumer la responsabilité d’une euthanasie passive alors il ne faut pas prendre la liberté de la mettre en œuvre. Liberté et responsabilité sont inséparables.
En revanche, il manque un débat social sur le sujet. Les médecins ne doivent pas être laissés seuls face à leur propre conscience – très inégale d’un praticien à l’autre. Ils doivent pouvoir savoir qu’elle est le point de vue social sur le sujet. Ils doivent pouvoir guider leur réflexion éthique personnelle par un point de vue social. Ils ont besoin de notre point de vue sur la question. Nous devons briser ce tabou de la mort.
La mort naturelle est une expérience intime dans laquelle se révèle l’être humain en toute humilité. Sans contestations possibles, nous mourront libres et égaux en droits. Personne ne doit être privé de sa mort naturelle contre sa volonté. Le refus du maintient en vie artificiel ou de la réanimation doit être possible et accepté lorsqu’il est exprimé librement de manière répétée par le patient lui-même. Les médecins doivent respecter la volonté du patient de refuser l’aide de la science. Les euthanasies passivent ne peuvent pas être justifiée par la demande de la famille qui n’est pas objective, ni par un diagnostic qui n’est jamais certain, ni par une volonté antérieure qui n’est peut être plus d’actualité face à la mort elle-même. Seul le traitement de la douleur peut justifier une euthanasie passive parce que la douleur est inhumaine et dégradante.
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