Une crise des valeurs plus que des valorisations (mardi, 10 mars 2009)
Le crach des subprimes a déjà révélé de nombreux dysfonctionnement de notre économie. Il en révélera d'autres. Si la chute brutale des subprimes n'avaient pas incité les investisseurs à être plus vigilants, Bernard Madoff serait encore entrain de vendre ses fonds toxiques aujoud'hui. Les mécanismes qui ont conduit à la crise des subprimes ont encore court dans de nombreuses entreprises : des exigences de rentabilités irréalistes et la priorité donnée aux résultats trimestriels au détriment des résultats futurs conduisent aux mêmes décisions aberrantes.
Il y a du dérisoire dans les appels à la consommation patriotique de Doris Leuthard, aux appels à la relance par la consommation des Partis Socialistes, aux plans de relances qui conduisent à multiplier les dépenses publiques avant même d'avoir réfléchi à leur valeur ajoutée sur le long terme ou encore aux appels aux Banques centrales à baisser leurs taux. On apporterait une réponse à la crise en repartant dans les mêmes excès de consommation et d'endettement ? Cela ressemble un peu trop à un vélocycliste qui regonflerait un pneu crevé avant de l'avoir réparé. Cela peut donner un peu de temps pour aller jusqu'à un garage, mais il ne faut pas en attendre plus. Toutes ces mesures sont nécessaires mais très largement insuffisantes pour ramener la confiance.
La crise actuelle est beaucoup plus une crise de valeur qu'une crise de valorisation.
Lorsque Bernard Madoff arnaque ses proches, des oeuvres caritatives et autant de clients il y a un problème de valeur. Lorsque les banques et les intermédiaires financiers se jettent sur des subprimes parce qu'ils affichent des taux de rentabilité élevés sans se poser la question de la solvabilité des débiteurs, il y a un problème de valeur. Lorsque tant d'intermédiaires financiers respectables distribuent des fonds Madoff sans en vérifier les performances, il y a un problème de valeur. Lorsque des banquiers se mettent à défendre un secret bancaire qui exonère les plus fortunés du paiement de l'impôt, il y a aussi un problème de valeur. Lorsque des cadres, à Genève, coupent des têtes avant de réduire leurs budgets pour prouver qu'ils sont capables de sacrifier l'humain, il y a un problème de valeur. Lorsque des cadres financiers dans des entreprises limitent leurs prévisions à l'année en cours, il y a un problème de valeur. Lorsque en plein marasme des financiers imposent des augmentations de prix et s'étonnent de la chute des volumes de vente il y a un problème de valeur. Lorsque des entreprises rémunèrent de manière excessive les dirigeants qui les ont conduit à la faillite il y a un problème de valeur. Lorsque la rémunération variable des traders est dix fois supérieure à leur rémunération fixe il y a un problème de valeur. Lorsque la rémunération des dirigeants se fait sur leur capacité à produire du cash plutôt qu'à créer de la valeur à long terme, il y a un problème de valeur. La raison à fait place à la cupidité.
Ce problème de valeur touche la société dans son ensemble et pas seulement la finance. La contribution des habitants à une économie qui n'a plus aucun sens se limite au strict minimum. Il y a 20 ans, beaucoup s'investissaient dans leurs activités professionnelles car elles étaient porteuses de valeur ajoutée pour la société. On était fier de construire des voitures accesibles à tous, de proposer des services à domicile, de simplifier ou d'améliorer la vie du plus grand nombre.
Depuis les exigences financières excessives ont imposé des réductions des budgets de recherche et développement. La part du chiffre d'affaire consacrée au profit s'est accrue au détriment de la masse salariale, des investissements, des fournisseurs et des clients. La saine concurrence a été assêchée par des exigences de rentabilités excessives posées à tous les concurrents d'un secteur. Qui s'engagera au delà du strict minimum pour une personne "morale" qui sacrifie son propre avenir pour servir les exigences folles d'actionnaires distants ? Qui s'investira dans une entreprise qui pour des raisons d'organisation internes a licencié le premier jour un nouvel embauché qui a quitté son précedent emploi ? Personne ne vendra plus avec passion des produits defectueux parce qu'il n'y a plus suffisament de recherche et développement ou des produits trop chers simplement pour atteindre les objectifs de profits fixés. Qui obéira encore à des dirigeants rémunérés excessivement pour produire du cash à court terme au détriment de la valeur ajoutée à long terme ? Quel journaliste s'investira avec passion dans des médias qui pour dégager plus de marge, ont renoncé à toute investigation pour se faire les simples relais de communiqués de presse sensationnels ?
L'entreprise n'a plus d'autre sens que de produire du cash à court terme pour des actionnaires qui n'investissent que pour 6 mois. Personne ne s'investit sincèrement dans de telles entreprises qui sacrifient leur propre avenir pour produire du cash.
Depuis 1929, on sait comment relancer une crise de valorisation... mais comment apporter des réponses à une crise des valeurs ? On a dans le passé déjà imposé des valeurs sociales aux comportements déviants. La loi permet la pénalisation de l'immoralité. La loi peut contraindre les entreprises dans la rémunération de valeur ajoutée réelle sur le long terme et de valeur ajoutée qui se mesure aussi en chiffre d'affaire et en emplois. Les règles comptables, la régulation et la loi peuvent contraindre les entreprises à constuire leur avenir plutôt qu'à produire du cash au présent. La loi peut réguler les marchés financiers et les remettre à leur place de soutien à l'économie et plus de maître de l'économie.
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