Modèle de croissance genevoise : le veau d'or ne mérite pas tant d'idôlatrie (mercredi, 20 juillet 2011)
Pour des statisticiens et des économistes la forte croissance du canton de Genève et de l'arc lémanique pourrait sembler un succès fulgurant. Un diagnostic que partage des politiciens qui ont le nez sur les chiffres et ne sortent sans doute pas suffisament de leur bureau pour voir les effets de cette croissance sur la vie quotidienne des Genevois de part et d'autre de la frontière.
Cette croissance économique n'est genevoise que par sa localisation mais certainement pas par la citoyenneté de ceux à qui elle profite... les Genevois sont eux contraints de quitter le canton pour se loger et préserver un peu leur pouvoir d'achat.
La politique économique induit une croissance démographique bien supérieure à la croissance urbaine que la société genevoise est prêt à accepter. Pour les Genevois le résultat est là :
1) Réduction continue du pouvoir d'achat amputé chaque année par la spéculation immobilière nourrie par la pénurie de logements. Mark Muller ne vit pas cet effet pervers de la croissance à titre personnel puisque son loyer à lui est limité. La génération des opposants ne vit pas cet effet pervers puisqu'ils bénéficient comme Mark Muller de loyer dérisoire pour des logements trop grands : ce sont leurs enfants qui sont chassés en masse du canton.
2) Conflit de génération larvé : Genève aura bien du mal à faire cohabiter la génération des bien logés avec celles des expulsés quand les expulsés devront payer les factures d'EMS des bien logés.
3) Chômage stable : la croissance économique genevoise ne produit pas d'emplois pour les Genevois. Genève ne crée pas d'emplois, Genève importe des emplois. Je renouvelle ma proposition aux Conseillers d'Etat pour aller à l'entrée d'une multinationale demander la ville d'origine des collaborateurs qui y entre. Les études publiées sont fausses, car fondées sur des déclarations des employeurs qui connaissent leur intérêt et par ailleurs jouent sur les mots entre contrat local et emploi local ! Les faits sont là, le nombre de chômeurs à Genève augmente de manière strictement proportionnelle au nombre d'emplois importés. Les élus Genevois qui défendent ce modèle de croissance vivent rarement le chômage de l'intérieur.
4) Pénurie de main d'oeuvre dans certains domaines : environ les deux tiers des policiers genevois sont contraints de vivre en France en raison des prix de l'immobilier genevois. Il n'est pas étonnant que dans ces conditions la police genevoise ait des problèmes de recrutement pour faire face aux besoins supplémentaires liés à la croissance démographique. Les infirmières, les enseignants non plus ne peuvent plus se loger dans notre agglomération.
5) Une paralysie généralisée des transports : par l'incohérence de ses politiques économiques et urbaines, chaque année Genève expulse 3500 Genevois qui deviennent 3500 pendulaires supplémentaires et expulsent à leur tour 3500 habitants du Genevois français qui deviennent à leur tour 3500 pendulaires qui viennent chaque jour d'Annecy, Aix et Chambéry ! Résultat tout le monde est bloqué dans des embouteillages qui s'aggravent chaque jour. Au cours des 17 ans du projet CEVA, Genève a créé plus d'usagers supplémentaires que le CEVA ne pourra en transporter.
.. passons sur les effets politiques concernant la montée du populisme ou la franche dégradation des relations avec l'Union Européenne, premier client de la Suisse spoliée par un dumping fiscal qui ne s'applique pas aux entreprises suisses.
Dans une interview ce jour à la Tribune de Genève, Mark Muller renonce à son point de vue critique sur le modèle de croissance genevois. Il prétend qu'il ne faut pas tuer la poule aux oeufs d'or. Je prétend moi au contraire que le veau d'or de la croissance genevoise ne mérite pas tant d'adulation. Seuls les propriétaires fonciers et quelques entrepreneurs de travaux publics bénéficie de ce modèle de croissance -les finances cantonales aussi tant que les investissements ne sont pas fait. Les Genevois expulsés chaque année par générations entières de leur canton ne verront jamais la couleur de l'or de cette prétendue poule.
Il est temps de passer à un autre modèle de croissance : un modèle fondé non plus sur le dumping fiscal et la complicité de fraude fiscale mais plutôt sur la formation, l'innovation et la recherche. Un modèle qui forme les Genevois à créer des emplois et ensuite les aide à le faire.
Un modèle de croissance endogène certes plus humble mais beaucoup plus durable.
Ps : contrairement à ce qu'affirme Mark Muller le plan directeur cantonal n'est certainement pas l'application du projet d'agglomération qui prévoit lui que Genève accueille au moins la moitié des habitants qu'elle fait venir. A ce jour il est prévu 300 000 habitants supplémentaires environ d'ici 2030. Il faudrait donc environ 75000 logements supplémentaire dans le canton, hors le plan directeur cantonal n'en permet que 50 000 environ.. et encore chacun sait qu'il y a beaucoup de perte entre ce qui est autorisé et ce qui est livré !
11:48 | Commentaires (4) | | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
L'analyse est partagée !
l'article de M Muller est hallucinant de mauvaise fois.
Deux citations extraordinaires :
"depuis deux ans, on voit des signes d’un changement de tendance. Genève attire moins d’entreprises, la France construit moins de logements et nous en construisons davantage"
Mais bien sur !
"je rappelle que Genève a toujours très bien maîtrisé son urbanisation. Nous ne gaspillons pas les terres comme d’autres cantons le font."
La France voisine rend parfois bien service !!
Écrit par : thomas | jeudi, 21 juillet 2011
Les Genevois croient préserver leur campagne en ne construisant pas de logements. Pourtant faute de logement, il devient impossible de développer des réseaux de transports en commun performant : traverser des zones peu denses à des fréquences élevées couterait trop cher. Le résultat c'est qu'à Perly il y a 20 000 véhicules par jour et 86 pompes à essence. La campagne genevoise est devenue une simple aire d'autoroute. Genève aura bientôt l'AOC du cardon au gazoil !
Antoine Vielliard
Écrit par : Antoine Vielliard (St Julien en Genevois) | vendredi, 22 juillet 2011
A l'inverse, il y a une vrai reflexion à mener côté Francais sur l'urbanisation ahurissante qui est en cours. Geneve ne construit pas assez mais est ce que la France ne construit elle pas trop ? Quelle consequence en terme d'equipement public, de transport ?
Rien qu'à Viry, 600 logts, St-Julien 1200 logts, Beaumont..., Valleiry !!!!!
Une veritable "poule aux oeufs d'or" pour les promoteurs mais quelle qualité de vie pour les habitants ???
Beaucoup de septicisme et un sentiment que le développement n'est pas maîtrisé.
Bravo pour le blog
Écrit par : thomas | dimanche, 07 août 2011
Thomas,
Aujourd'hui sur 3 nouveaux habitants dans le Genevois français 2 sont des Genevois qui sont contraints de quitter le canton faute de logements. Si les communes du genevois français construisent moins, ces habitants devront aller se loger encore plus loin... et traverser chaque jour nos communes en voiture. Comme Genève, pour chaque logement que nous ne construirons pas nous aurons 2 voitures de plus chaque jour !! Notre qualité de vie s'en trouverait dégradée à l'image de la prétendue campagne genevoise qui faute d'avoir voulu construire des logements n'a pas de transport en commun performant et réalise qu'elle n'est pas une campagne mais une simple aire d'autoroute.
Nous devons donc construire ou subir des nuisances encore pire de traffic. Nous devons construire de manière dense pour permettre le développement de transport en commun : c'est le cas à Viry, Valleiry et St Julien. Pour prendre le cas de Viry, il ne se construit pas plus que dans le passé, ni plus que dans les autres communes, mais plutôt que de voir 700 logements répartis sur 12 hameaux qui consomment des hectares à la pelle et qui devront être utilisé par des pendulaires supplémentaires, il se construit 700 logements sur moins d'espaces naturels et qui pourront être desservis par les transports en commun. Les logements construits actuellement sont effectivement plus visibles.. mais pas plus nombreux que ce qui se construisait dans le passé.
En revanche, et là je vous rejoins. La densification ne peut pas suffir. Il faut y intégrer la qualité de vie. C'est bien gentil de vouloir avoir des villes denses : encore faut il qu'elles soient agréable à vivre. Pour celà il faut des espaces végétalisés, des places, des parcs : des espaces de respiration. Selon la formule que j'utilise souvent : nos villes doivent être faites de végétaux autant que de minéraux (comme c'est le cas sur les brochures des promoteurs). C'est indéniablement ce qui manque à Valleiry pour l'instant. C'est ce que n'a pas compris la municipalité actuelle de St Julien. En revanche, je pense que le projet de Viry l'a très bien intégré !
Amicalement,
Antoine Vielliard
PS : merci de vos visites fidèles et de vos commentaires réguliers
Écrit par : Antoine Vielliard (St Julien en Genevois) | mardi, 09 août 2011