Comment travailler avec Genève à construire notre avenir commun ? (samedi, 25 février 2012)

Voilà bientôt 10 ans que les collectivités françaises se sont engagées dans un partenariat constructif avec Genève. Des centaines de millier d'heures de travail. Depuis que je suis élu au conseil général, il n'y a pas une seule semaine sans réunion avec des conseillers d'état, des maires ou des responsables politiques genevois. C'est même plutôt 2 ou 3 réunions par semaines. Des milliers d'heures sur des réunions de concertations avec les communes genevoises sur des plan d'aménagement concerté d'agglomération (les fameux PACA). Ce travail de concertation s'est traduit en 2007 par une charte d'agglomération fixant une feuille de route, des engagements réciproques.

A la base de ce travail il y avait un intérêt commun : pour Genève un financement de la confédération à hauteur de 40% sur des projets comme le tram de Bernex, dont le moins qu'on puisse dire c'est qu'il est du ressort du canton bien plus que de la confédération. Pour Genève encore, l'avancée sur des projets de transports en commun transfrontaliers qui améliorent la situation de la mobilité à Genève. Pour les partenaires français il y avait l'espoir d'arriver à un rééquilibrage de la production de logements. 10 ans plus tard, la méthode de la concertation, du travail collectif est un échec manifeste. Genève a bien touché ses subventions de la confédération mais pour les partenaires français la production de logements à Genève, loin de s'être améliorée c'est encore dégradée.. (on pensait cela impossible).

La concertation avec Genève se traduit par un échec : pur, simple et incontestable.

Il y a deux ans, lorsque les chiffres de production de logements 2009 sont sortis, j'ai fait le diagnostic que nous nous étions trompé d'interlocuteurs. Manifestement, les Conseillers d'Etat avec lesquels nous dialoguons sont plein de bonne volonté.. mais pas à la hauteur des enjeux, et n'ont pas la capacité politique de construire les logements dont les Genevois ont besoin. En démocratie directe les élus ne sont pas les décideurs. J'ai donc décidé d'intervenir directement dans le débat politique genevois pour contribuer à expliquer aux Genevois directement à quel point ILS ONT EUX AUSSI besoin de logements pour cesser de dégrader les conditions de mobilités, pour loger les infirmières et les policiers dont ils ont besoin, pour cesser d'exiler leurs jeunes ménages. J'ai du utiliser la provocation. J'ai du interpeller. J'ai du parfois même caricaturer pour que les faits émergent dans le débat genevois. J'ai veiller à ne jamais m'en prendre aux Genevois contraints de quitter Genève, et à toujours au contraire défendre dans mes notes les intérêts des habitants de notre région car je suis convaincu que notre avenir est commun comme l'est notre passé. J'ai veillé à concentrer mes notes sur les responsables plutôt que sur les victimes -j'aurai aimé que certains élus Genevois aient la responsabilité d'en faire autant-. Les faits ont émergé dans le débat public genevois. Des progrès ont été faits : plus personne n'ignore désormais que la catastrophique croissance de pendulaires est alimentée principalement par l'exode des genevois du coeur de l'agglomération faute de logements. Mais cela n'a pas suffit pour que les partis et responsables politiques assument leurs responsabilités et expliquent aux Genevois les enjeux. Les statistiques de production de logements pour 2012 se traduisent également par un échec.

Le débat public commun avec Genève a permis des avancées.. mais dans les faits, dans la production de logements, dans les votations, c'est un échec aussi : Les habitants des petites impasses privées des communes de Chêne-Bougeries, Veyrier ou Thônex continue de s'opposer aux logements parce que faute de s'informer, ils ne comprennent pas ce qui est en train de se passer et à quel point ils ont intérêt de permettre la construction de logements pour leurs enfants.

Il faut une autre méthode de travail avec Genève. Une méthode de travail efficace malgé des élus paralysés par la démocratie directe : des suiveurs plutôt que des leaders. Les Etats Unis nous montrent sans doute la voie. Le rapport de force. Seul le rapport de force peut conduire à un diagnostic partagé largement par le corps électoral qui décidera au final. L'Union Européenne utilise la méthode diplomatique pour négocier avec la Suisse sur le dumping fiscal comme sur la complicité de fraude fiscale sans le moinde succès. Des discussions de sourds puisque l'oreille du peuple qui décide n'est pas à la table des négociations. La seule méthode efficace de dialogue avec un pays de démocratie directe c'est le rapport de force. Les seules avancées obtenues sur la question de la complicité de fraude fiscale ont été obtenues par les Etats Unis en menaçant de faillite les banques suisses, et de prison les banquiers complices de fraude fiscale. Manifestement c'est la seule méthode. Pour qu'une démocratie directe ne change de direction il faut qu'elle touche le mur.

Comment appliquer une telle méthode à l'échelle de l'agglomération. Il va falloit s'accrocher : comme l'ont fait les Etats Unis pour lesquelles la mise en faillite des banques suisses n'était pas une menace anodine pour eux mêmes. Le rapport de force peut s'instaurer sur les transports en commun par exemple : si la construction de logements au coeur de l'agglomération ne progresse pas d'ici 18 mois, nous pouvons supprimer toutes les lignes de transport transfrontalières : condamner Genève à la paralysie totale comme Genève nous condamne à la colonisation. Nous pouvons aussi construire des barres d'immeubles pour Genevois aux limites des petites douanes. Nous pouvons construire des doubles voies arrivant à chaque douane villageoise. Nous pouvons mettre en oeuvre le contre-projet d'agglomération. Evidemment, il ne s'agit là que d'un moyen. L'objectif c'est au contraire d'augmenter les transports en commun, d'aménager comme nous l'avons décidé dans le projet d'agglomération, de créer des emplois en France lorsqu'il y aura des logements accessibles pour les personnes qui ont des revenus en euros. Parfois il faut reculer pour mieux sauter. Je pense qu'avec le projet d'agglomération nous en sommes malheureusement arrivés là. Les frontaliers seront pénalisés dans leur mobilité, mais il s'agira là de solidarité vis à vis des enseignants, des infirmières, des maçons et des caissières qui eux ne peuvent plus vivre ou se loger. Les jeunes devront pendant quelques années s'installer plus loin : mais c'est déjà le cas. Genève saccage nos espaces naturels et agricoles en refusant de construire, menace notre cohésion sociale, détruit nos activités économiques et publiques en empêchant les salariés en euros de se loger dans le genevois français. Derrière son apparente richesse, le Genevois français se désintègre.. mais il ne se désintégrera pas seul. Manifestement, il faut que notre destin commun soit la chute commune avant de reconstruire ensemble.

Evidemment il aurait été préférable que nos interlocuteurs respectent leurs engagements, que les élus et les partis genevois soient des leaders plutôt que des suiveurs. Mais manifestement ce n'est pas le cas et nous sommes obligé de changer de méthode.

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