Accès aux soins en Suisse : que la France applique les règlements européens ! (mardi, 12 novembre 2013)
Vous trouverez ci-dessous une lettre que j'adresse ce jour à Thierry Repentin, Ministre délégué aux Affaires Européennes qui était samedi au Congrès des Maires de Haute-Savoie afin de lui demander de veiller à ce que les règlements européens qui permettent l'accès au soin au delà des frontières nationales soit enfin appliqué par la France à la frontière Suisse.
Monsieur le Ministre,
Lors du Congrès des Maires de Haute-Savoie à Annemasse ce samedi 9 novembre, vous avez alerté les élus sur le risque que ferait peser sur les financements européens une victoire des partis anti-européens lors des élections du 25 mai 2014. Effectivement, les financements européens sont décisifs pour notre département tout particulièrement pour son activité agricole et pour les projets transfrontaliers.
Vous avez l’occasion d’apporter aux habitants de notre territoire une preuve tangible que l’Union Européenne agit à leur service dans leur quotidien. A la question que je vous ai posée samedi, vous avez répondu que les ministres en charge s’assuraient que les soins en cours puissent être poursuivis à l’échéance du droit d’option. Je me permets de préciser que la question de l’accès aux soins en Suisse va bien au-delà de la poursuite des soins en cours et par ailleurs qu’elle relève bien de votre champ ministériel. En effet, l’accès au soin en Suisse doit également couvrir les soins courants et les soins programmés futurs conformément au droit européen. Par ailleurs, en tant que ministre des affaires européennes, il vous revient de vous assurer de l’application par la France de ces règlements.
Les frontaliers sont des adultes. Une majorité d’entre eux comprend bien que si la Sécurité Sociale prend en charge leurs frais de maladie lorsqu’ils sont au chômage, gravement malade ou à la retraite, il est légitime qu’ils y contribuent lorsqu’ils sont jeunes et bien portants. En revanche, il n’est pas du tout compréhensible que dans notre République égalitaire, ils ne puissent bénéficier de soins à proximité de leur lieu de travail ou encore se rendre à l’hôpital le plus proche de leur domicile comme c’est le cas pour tous les autres Français. Il est temps que les caisses primaires d’assurances maladie mettent leurs pratiques en conformité avec le droit européen. Je suis certain que vous aurez à cœur d’y veiller avant les élections européennes du 25 mai prochain.
En particulier avec l’article 19 du règlement communautaire 883/2004 qui prévoit « qu’une personne assurée et les membres de sa famille qui séjournent dans un État membre autre que l’État membre compétent peuvent bénéficier des prestations en nature qui s’avèrent nécessaires du point de vue médical au cours du séjour, compte tenu de la nature des prestations et de la durée prévue du séjour. Ces prestations sont servies pour le compte de l’institution compétente, par l’institution du lieu de séjour, selon les dispositions de la législation qu’elle applique, comme si les personnes concernées étaient assurées en vertu de cette législation». Ces dispositions sont applicables à la Suisse en vertu des accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union Européenne. Elles sont appliquées à toutes les frontières de la France sauf à la frontière suisse. Je sollicite votre intervention déterminée pour que ces règlements soient enfin appliqués, le plus rapidement possible et dans tous les cas à l’échéance du droit d’option le 31 mai 2014. Comment comprendre que l’accès aux soins en Suisse ait pu être garantit par les assureurs privés en quelques mois et qu’un demi siècle plus tard le service public soit toujours incapable de répondre à cette demande malgré l’augmentation importante du nombre de frontaliers ? Ce qui était jusque là de la négligence est désormais une violation du droit européen.
Plus précisément, ce règlement européen doit permettre aux frontaliers qui le souhaitent de désigner un médecin traitant en Suisse. Cela est prévu par la circulaire DSS/DACI n°2012-207du 24 mai 2012 qui rappelle à cet effet que « la possibilité de choisir un médecin traitant établi notamment en Suisse existe (…) selon les conditions prévues par le point III de la circulaire DSS/DACI n°2005-275 du 27 mai 2005 ». Une circulaire malheureusement laissée lettre morte faute d’une circulaire de la CNAMTS précisant les modalités de conventionnement avec les médecins suisses pour la coordination du parcours de soin.
S’agissant des soins programmés, là encore, l’accès au soin en Suisse est possible conformément à l’article 20 du règlement communautaire 883/2004. Les soins programmés doivent faire l’objet d’une demande d’autorisation préalable auprès de la sécurité sociale à laquelle il doit être répondu en deux semaines au plus, faute de quoi la réponse est réputée positive. Un refus doit être dûment motivé en apportant une solution de traitement identique en temps opportun sur territoire français. Là encore, ce règlement européen n’est pas appliqué par la sécurité sociale qui à ma connaissance refuse systématiquement ces autorisations préalables sans motivation circonstanciées. Il est révoltant pour les habitants de notre agglomération de devoir faire 140km pour être pris en charge à Lyon alors qu’ils voient un hôpital universitaire de leur fenêtre ! Le monde ne s’arrête pas aux frontières de notre pays, il est temps que les administrations nationales prennent la mesure des enjeux des territoires frontaliers. Ce sont plus d’un million de citoyens français résidant à moins de 30 minutes de la frontière suisse qui sont pénalisés au quotidien par l’inapplication concrète de ces règlements européens et qui observeront de près votre action en ce domaine.
Vous trouverez toutes les références aux textes européens qui doivent être appliqués dans l’annexe 4 du rapport de la mission de l’IGAS et de l’IGF sur l’intégration dans le droit commun de l’assurance maladie des frontaliers résidant en France et travaillant en Suisse remis au gouvernement en juillet dernier.
En espérant que vous parviendrez à faire appliquer le droit européen qui garantit à tous les assurés sociaux des territoires frontaliers un accès aux filières de soins les plus proches de chez eux, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, à l’expression de ma respectueuse considération.
Antoine Vielliard
12:34 | Commentaires (4) | | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
Bonjour Mr Vieillard,
malheureusement, je peux confirmer le contenu de votre billet. J'ai été me renseigner à la CPAM d'Annemasse où il m'a été dit que le basculement des frontaliers à la CMU entraîne la fin des soins en Suisse et l'obligation de désigner un médecin en France.
C'est quand même indigne d'un pays démocratique que l'administration ne respecte même pas ses propres lois.
A mon avis, ça ne va pas arranger le problème des "faux frontaliers" qui habitent en France mais ont leurs papiers en Suisse, afin de continuer à bénéficier du système suisse (santé, chômage, impôts, etc.)
Cordialement
Écrit par : michel | mardi, 12 novembre 2013
Merci Mr Vieillard,
vous avez clarifié ce point qui inquiète tous les frontaliers, mais je crains que vue de la France "d'en Haut", nous soyons pris pour des vaches à lait, sans plus.
Pour ma part je fais 3 h de trajet par jour et ceci aux dépens de ma famille, départ 7h et retour 19h35, j'attends qu'un kinési ou autre praticiens adapte ces horaires à ceux des Frontaliers, mais en attendant je me fais soigner sur Suisse.
De plus et cela est confirmé par mon médecin en France, les frontaliers sont toujours opposés aux arrêts de travail, qui seraient mal vus de leur employeur, et minimisent donc la dépense.
Ne nous laissons pas intoxiquer par quelque expert ou groupement auto déclaré dont les intérêts ne sont pas toujours très clairs.
Meilleures salutations
Écrit par : Pascal | jeudi, 14 novembre 2013
Monsieur,
Il semblerait que vous ayez pris des raccourcis concernant le règlement de la Sécurité sociale 883 2004 entre l’UE et la Suisse... et qu'uniquement les soins en urgence lorsque nous nous trouvons sur le territoire suisse soient concernés. Il n'est nullement question de médecin de référence suisse et encore moins de remboursements de soins courants . Qui interprète mal? A vérifier et à confirmer svp, les services juridiques des HUG devraient avoir accès à des infos sûres et vous permettre de nous informer avec précisions. Merci.
Écrit par : Catherine | vendredi, 15 novembre 2013
Bonjour Madame,
Je vous prie de bien vouloir m'excuser pour le retard de ma réponse.
Le contenu de la lettre est tiré du rapport d'expert de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des finances. Le sujet est particulièrement développé dans l'annexe 4 du rapport qui a été rendu au gouvernement. Ma lettre a pour objet d'appeler le Gouvernement à appliquer aussi cet aspect là du rapport sur l'accès au soin en Suisse.
Le rapport est très explicite sur la possibilité de désigner un médecin traitant en Suisse.
Bien cordialement,
Antoine Vielliard
Écrit par : Antoine Vielliard | mercredi, 04 décembre 2013