Contre l'augmentation des impôts sur les mutations en Haute-Savoie (mardi, 21 janvier 2014)

La loi de finance pour 2014 a instauré la possibilité pour les départements d'augmenter les droits de mutation de 3,8% à 4,5% pour une période de 2 ans à compter du 1er mars 2014. Les droits de mutation ce sont les impôts que paient, via leur notaire, les personnes qui acquièrent un logement.

Par ailleurs, la même loi de finance instaure une péréquation supplémentaire sur les droits de mutation. Une péréquation est un système par lequel les départements les plus aisés redonne une partie de leurs recettes à ceux qui le sont moins. Les droits de mutation sont une ressource importante des départements. Dans certains départements, comme le nôtre, il y a beaucoup d'activité immobilière et donc beaucoup de recettes sur les droits de mutations. Dans d'autres départements, il y a moins d'activité immobilière. Pourtant ces derniers n'ont pas moins de charges et en particulier dans le domaine sociale qui représente la moitié des missions des Conseils Généraux. Il y a donc du sens à renforcer la péréquation sur les droits de mutation. La Haute-Savoie doit contribuer à cette péréquation à hauteur de 10 millions d'euros.

Certains Conseillers Généraux estiment qu'il est donc légitime que ces 10 millions d'euros soient compensés par une augmentation des taux des droits de mutation au détriment des habitants, ce qui représentent une augmentation de +0,35% environ du coût de la transaction. D'autres estiment que le département doit aller au maximum du taux autorisé c'est à dire +0,75%. En particulier les Conseillers Généraux des stations de montagne où une proportion très importante des acquéreurs sont des résidents secondaires. Une situation qu'on ne peut cependant pas généraliser à l'ensemble du département.

Tous les Conseils Généraux doivent se prononcer dans les prochains jours : une majorité augmentera les taux au niveau maximal autorisé par la loi. Le département de la Haute-Savoie décidera cela lors de sa prochaine séance publique lundi prochain. Les groupes politiques sont très partagés entre les trois possibilités : aucune augmentation, une augmentation de +9% (de 3,8% à 4,15%) ou une augmentation de +18% (de 3,8% à 4,5%).

Je suis fermement opposé à toute augmentation d'impôts :

1) Le niveau des prélèvements obligatoires en France a atteint un sommet qui est désormais infranchissable. Il pénalise déjà l'activité économique, l'emploi et la compétitivité. L'Etat a fait beaucoup d'effort sur son propre budget ces dernières années - il devra en faire beaucoup encore. Il est temps que les collectivités locales (et les budgets sociaux) fassent aussi leur part du chemin. Il me semble insupportable de prendre dans la poche des citoyens avec autant de facilité. Les droits de mutation sont certes moins visibles pour les habitants car chacun y passe les uns après les autres : mais c'est bien un impôts, son montant est déjà colossal, le département a déjà augmenté le coût des transactions sur le neuf avec la nouvelle taxe d'aménagement qu'il a fixé à son taux maximal et tôt ou tard, tout le monde y passera une, deux, trois ou quatre fois dans sa vie.

2) Le marché de l'immobilier en Haute-Savoie n'a franchement pas besoin de cela. Les agents immobiliers n'ont pas vu de clients depuis 3 mois. Les acheteurs sont déjà étranglés par le niveau des prix. La proportion de primo-accédant parmi les acheteurs a déjà baissé de 40%/50% il y a quelques années à moins de 30% actuellement. Lorsqu'on atteint de tels montants sur l'immobilier chaque euro compte. Surtout sur des droits qui ne sont pas financés par les banques. Augmenter encore les droits de mutation c'est prendre un risque de chute de l'immobilier. Autant il est nécessaire que les prix refluent, autant il est important qu'ils le fassent dans la durée pour éviter ces chantiers qui ne se termine jamais, ces entreprises qui font faillite, ces ouvriers au chômage. Augmenter les droits de mutation c'est prendre le risque d'un effondrement brutal de tout un pan de l'activité économique haut-savoyarde. Instaurer cette augmentation de taxe pour seulement deux ans, c'est prendre le risque que nombreuses transactions soient gelées pendant deux ans. Les professionnels de l'immobilier (agents immobiliers, notaires, promoteurs, banquiers) n'ont à ce jour pas été consultés sur les conséquences d'une telle décision. Ils sont pourtant au contact direct des acheteurs et des vendeurs.

3) Cette taxe doit être la même pour toutes les générations. Comment comprendre que ceux qui sont acheté il y a quelques années paieraient 3,8%, ceux qui achèteront dans les prochains mois 4,5% et ceux qui achèteront dans plus de 2 ans paieront à nouveau 3,8%. Pourquoi pénaliser aussi fortement les jeunes ménages d'aujourd'hui par rapport à ceux d'hier et ceux  de demain ? Pour être acceptable, un impôt doit être juste. Pour qu'un impôt tel que celui là soit juste, il doit être stable dans le temps. Pour le vote de décisions telles que celle là, on peut regretter qu'il n'y ait parmi nous au conseil général aucun représentant de la moitié des Haut-Savoyards qui ont moins de 40 ans !

4) Le département doit tout de même financer les 10 millions d'euros de péréquation. Il y a pour cela de très nombreuses pistes. Nous sommes en Haute-Savoie ! Première suggestion, que le département prennent des initiatives pour informer et communiquer auprès des 20 000 résidents non déclarés qui représentent un manque à gagner de 40 millions d'euros pour les collectivités françaises dont près de 20 millions pour le département de la Haute-Savoie. En particulier la réalisation d'un dépliant sous plastique que les communes pourraient déposer sur les voitures immatriculées en Suisse et stationnant de nuit qui informe des risques d'une non déclaration et des modalités pratiques de régularisation. J'ai fait cette proposition à de multiples reprises au Conseil Général et à l'ARC. Les élus de gauche m'ont répondu "on est pas là pour stigmatiser" (bien sûr, mais quel est le rapport ?) les élus de droite m'ont répondu "on est pas là pour faire du flicage" (bien sûr, mais quel est le rapport ?). Comment accepter que ceux qui paient déjà des impôts en paient plus tant que les collectivités ne s'assurent pas que chacun contribue équitablement aux budgets publics ?

5) Cette seule proposition suffirait à combler le manque à gagner de la péréquation pour le département. Pourtant, de multiples autres propositions pourraient être faites, sur les priorités politiques du département, sur la manière de décider des investissements, sur leur phasage. En ayant le courage d'affirmer une vision sur l'aménagement du territoire en Haute-Savoie, le département pourrait s'assurer d'éviter une explosion des coûts publics de réseaux (électricité, télécommunications, eau, assainissement, mais aussi voirie, transports publics, distribution...).

Nous autres élus locaux, devons aussi montrer l'exemple de la réduction de la dépense publique sur ce qui est strictement nécessaire. Ce que font les ménages depuis maintenant de nombreuses années.

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