Mieux vaut travailler qu'être frontalier au chômage (jeudi, 21 janvier 2016)

La vie locale nous montre des exemples de personnes qui ont travaillé à Genève, puis ont perdu leur emploi. Bénéficiaires d'allocations chômages calculées sur la base de leur revenu suisse, ils s'installent dans le chômage. Le plus souvent, dans la région frontalière il pourrait y avoir des emplois qui correspondent à leurs qualifications mais payés à un niveau nettement inférieur à leurs indemnités chômages. Lorsqu'ils travaillaient en Suisse, ils avaient adapté leur train de vie à leur niveau élevé de revenus, pris des crédits, ils ont acheté parfois une belle voiture et se sont habitués à choisir de belles destinations de voyage. Pour maintenir ce train de vie et continuer de rembourser leurs crédits, ils continuent de rechercher un emploi en Suisse. Parfois, à l'issue de la période d'indemnisation, ils n'ont toujours pas trouvé d'emploi. Ils se retrouvent alors au RSA. Ils touchent alors 514 euros par mois ! Et là, la vie devient plus compliquée. Au delà du problème de leurs revenus, ils ont aussi des crédits en cours... et le sérieux handicap d'avoir un trou dans leur CV.

Dans les prochaines années, "La Suisse" va beaucoup changer. En particulier, l'économie suisse. Cela a déjà commencé. Pour la première fois depuis bien longtemps, en 2015, la croissance économique a été supérieure en France qu'en Suisse. L'inversion de la courbe du chômage a bien eu lieu... en Suisse ! Les chiffres du mois de décembre sont inquiétants. Même si la proportion de chômeurs est trois fois inférieure en Suisse qu'en France, le nombre de chômeurs en Suisse a augmenté de 10% en un mois seulement.

Mais surtout quatre menaces importantes pèsent sur l'économie suisse :

1) L'augmentation de la valeur du franc a fait perdre 10% à 15% de compétitivité à l'économie suisse. Les entreprises qui vendent des biens et des services ou encore le commerce de détail, sont soumis à cette perte de compétitivité. Les premiers mois, les entreprises ont pu vivre sur leur carnet de commande. Mais celui s'y ne s'est pas regarni. Maintenant, l'activité baisse fortement. Cela se traduit déjà par des pertes d'emplois. D'autres suivront.

2) La disparition du secret bancaire : les banques suisses se sont trop longtemps contentées du seul argument de paradis de la fraude fiscale pour développer leurs affaires. Jusqu'à présent, beaucoup se contentaient de prélever des frais à des clients qui ne voulaient surtout pas entendre parler de leur banquier. Le secret bancaire disparaissant en 2018, il faudra désormais que les banques suisses offrent un service de qualité à des prix compétitifs. Elles auront à supporter de nouvelles charges pour se mettre en conformité avec les lois internationales tout en développant une nouvelle qualité de service. De nombreux emplois ont déjà été supprimés, d'autres suivront.

3) La normalisation de la taxation des multinationales : pour maintenir sa capacité à commercer avec le reste du monde, la Suisse va devoir se plier à quelques règles de concurrence loyale vis-à-vis du reste du monde en matière de fiscalité. Le principe est clair : la concurrence fiscale est saine, la concurrence déloyale ne l'est pas. D'ici à 2018, la Suisse doit supprimer ses lois et règlements qui lui permettent encore aujourd'hui d'offrir des niveaux d'imposition inférieurs aux entreprises multinationales que les taux appliqués aux entreprises suisses. A Genève, certaines multinationales vont voir passer leur taux d'imposition de 1% à 13% et les entreprises locales en revanche vont passer de 24% à 13%. Personnellement, j'estime que ce taux de 13% fera partir très peu d'entreprises, car il restera parmi les plus faibles d'Europe. A terme, il permettra le développement d'une activité économique locale plus pérenne. En revanche, on observe déjà un arrêt des implantations de nouvelles multinationales et une baisse des recrutements des multinationales déjà implantées. L'emploi dans les multinationales et dans les activités économiques induites s'en ressentira.

4) La fin des accords bilatéraux : La mise en œuvre des votations du 9 février 2014 sur la limitation de l'immigration conduira vraisemblablement à la fin des accords bilatéraux entre la Suisse et l'Union Européenne. On voit mal quel compromis le Conseil Fédéral peut trouver entre le principe de libre circulation et le principe de refus des étrangers, tous deux validés par le peuple souverain !?! La fin des accords bilatéraux, si elle se confirme dans les douze prochains mois, plongera inévitablement l'économie suisse dans une période de récession profonde et durable. L'économie suisse a un besoin vital d'intégration européenne alors que les deux tiers de ses exportations vont vers l'Union Européenne. Cela se traduira par une période longue de recul économique et d'incertitudes et donc des pertes massives d'emplois.

On pourrait également ajouter comme menace fondamentale, l'endettement national et en particulier l'endettement hypothécaire. L'endettement national en France est monstrueux, immoral et insoutenable. Relativement au PIB, l'endettement national suisse est à un niveau équivalent à l'endettement national français. C'est un endettement hypothécaire plutôt qu'un endettement public. Il est garantit par les prix de l'immobilier élevés en Suisse. Qui eux mêmes se maintiennent grâce à l'afflux constant de population étrangère. La mise en œuvre de l'initiative du 9 février ne peut qu'avoir des effets néfastes majeurs sur le marché de l'immobilier et donc sur la solvabilité de la dette hypothécaire suisse.

Tout cela est connut depuis longtemps. Rien de neuf dans cette note. En revanche, je suis surpris qu'à ce jour, peu d'institutions, d'entreprises et de collectivités se préparent activement à ce reflux économique majeur et prévisible. Chacun vit dans l'illusion que la Suisse est une sorte de pays en dehors du monde, un peu magique, qui pourrait être épargné des difficultés économiques mondiales. Une sorte de Shangri-La européen.

A Saint Julien, nous informons les promoteurs afin de réduire leurs ardeurs dans un contexte incertain pour éviter d'avoir des bâtiments fantômes invendus dans quelques années - avec peu de succès jusqu'à présent. Nous adaptons nos dépenses pour être en capacité de faire face aux difficultés futures. Nous investissons et incitons les investissements pour pouvoir compenser ce reflux économique suisse par une croissance économique dans le Genevois français.

Mais surtout, nous faisons passer le message aux frontaliers au chômage, que sur le long terme il est largement préférable d'avoir un emploi en France plutôt que pas d'emploi du tout. Les frontaliers seront en première ligne, tout particulièrement alors que les autorités cantonales ont fait leurs les politiques préconisées par le MCG, derrière l'euphémisme de "préférence cantonale".

11:19 | Commentaires (4) | |  Facebook | |  Imprimer | |