Grand Genève : résoudre ensemble nos problèmes plutôt que chacun chez soi (samedi, 03 décembre 2016)

La semaine prochaine sera signé en grande pompe le troisième projet d'agglomération. Sans aucun doute, le plus mauvais des trois projets d'agglomération du Grand Genève malgré la création en 2013 d'une instance de gouvernance commune. A vrai dire, le terme même de "projet" semble excessif pour ce qui n'est tout au plus qu'une simple demande conjointe de subventions à Berne. Est-ce que les photos qui seront prises jeudi parviendront à masquer l'absence de vision commune ?

Cela est le résultat de l'influence croissante des populistes et des nationalistes, partisans de politiques nombrilistes. Une influence qui excède de très loin leurs résultats électoraux. Contrairement à ce qui était affirmé dans le discours de Saint Pierre, force est de constater que ces dernières années Genève a érigé de nouvelles murailles telles que la préférence cantonale, le refus de participation aux infrastructures transfrontalières ou encore le refus d'engagement de construction de logements.

Mettre en œuvre des projets de mobilité dans le Grand Genève est indispensable à l'amélioration du quotidien des habitants. Obtenir des financements de Berne pour lancer les travaux est également absolument nécessaire. Mais ces investissements seront faits en pure perte tant qu'ils ne s'accompagneront pas d'un projet d'aménagement cohérent.

Au cours des 15 dernières années, Genève a créé et importé des emplois à un rythme 5 fois plus rapide que les constructions de logements. Cette incohérence entre la politique économique et la politique urbaine a conduit à ce qu'on compte aujourd'hui 80 000 emplois de plus que le nombre de logements livrés dans la même période. Physiquement, pratiquement, ces 80 000 actifs sont contraints de se loger au delà des limites cantonales. Les réseaux de transports et nos finances publiques, aux uns comme aux autres, ne peuvent pas suivre et ne suivront jamais une telle fuite en avant de notre aménagement.

Depuis le premier vote par le Grand Conseil sur le CEVA en 2001, selon l'OCSTAT, le solde migratoire des citoyens suisses du canton de Genève s'élève déjà à 33612 départs ! D'ici à ce que le Léman Express soit terminé puis mis en service, le nombre de ses usagers correspondra environ au nombre de citoyens suisses qui auront dû quitter le canton de Genève faute de logements.

Les voitures qui traversent chaque matin les villages de Certoux et de Soral ne sont que les fantômes des logements qui n'ont pas été construits pendant que les emplois étaient créés.

Pour ma modeste part, je travaille à l'émergence de cette conscience commune. J'ai placé les autorités cantonales face à ses responsabilités sur la construction de logements à l'hiver 2010. Le rythme des constructions commence à augmenter, toujours pas à des niveaux suffisants, mais des progrès sont faits. Nous développons la mobilité alternative : les transports en communs transfrontaliers augmentent au rythme de 10% par an environ, nous favorisons le covoiturage, nous veillons à regrouper les nouveaux logements à proximité des réseaux de transport. Nous travaillons à la régularisation des 20 000 citoyens suisses installés dans le Genevois français afin qu'ils participent activement à ce débat plutôt que d'avoir honte de la situation qu'ils subissent. Mais tout cela reste bien insuffisant tant qu'il y aura une telle distorsion entre les créations d'emplois et les constructions de logements.

A titre individuel, j'ai défendu au sein de l'ARC l'idée que les partenaires français ne s'associent pas à ce troisième projet d'agglomération afin de régler les problèmes à la base de l'aménagement, avant d'en corriger illusoirement les effets en terme de mobilité. Pour l'instant, au sein de l'ARC, je suis encore seul à défendre l'idée que la volonté commune d'aménager efficacement le Grand Genève est plus importante que les demandes communes de subventions à Berne.

Oui, il faut impérativement des infrastructures de transports et des financements pour les réaliser. Il faut aussi des modalités de financement des déficits de transport. Mais il faut surtout une vision commune de l'aménagement pour régler les problèmes à la base : créer des emplois au plus proche des logements et des logements au plus proche des emplois tout en préservant la qualité de notre cadre de vie commun et en maitrisant la dépense publique. Ce troisième projet d'agglomération évite ces questions faute de consensus politique à Genève.

C'est la raison pour laquelle il revient à chacun d'entre nous de contribuer à la prise de conscience généralisée que les problèmes commun du Grand Genève seront réglés ensemble et pas chacun chez soi.

 

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