Les 3 malédictions françaises (lundi, 30 janvier 2017)

On pourrait croire qu'un peuple apprend de ses erreurs. C'est possible, mais il faut pour cela qu'il ait une mémoire. Lorsque la mémoire publique et médiatique se limite à deux semaines d'actualités, la capacité à apprendre de ses erreurs en devient tout particulièrement limitée. Et c'est ainsi qu'année après année le peuple français refait inlassablement les mêmes erreurs. Pour tous ceux d'entre nous qui se passionnent de débat public et qui avons à cœur l'avenir du pays, cela est désespérant.

La première malédiction c'est l'erreur des rêves et des illusions. Il y a eu le marchand de pommes, bonimenteur de la fracture sociale. L'homme des ruptures, dont la première des ruptures aura été d'aller fêter sa victoire au Fouquet's. Celui qui prétendait que son ennemi était la finance alors même que c'est la finance qui prête chaque jour ce qu'il lui faut pour vivre à ce pays qui s'endette depuis 40 ans. J'ai écris ici même il y a 5 ans que c'était une promesse aussi crédible que la révolte d'un cocaïnomane contre son dealer !

On aurait pu penser que le peuple de France, si prompt à rejeter une classe politique qui ferait des promesses en l'air, finirait par se lasser du rêve et des illusions. Mais voilà que la droite se choisit un candidat qui leur promet le sang et les larmes des employés et des ouvriers, et la gauche se choisit un candidat qui lui promet les grands soirs d'un monde qui n'existe pas.

Les rêves et les illusions sont tellement confortables. Les Français ont besoin d'élus menteurs pour pouvoir continuer de les détester. Le problèmes des rêves c'est qu'ils conduisent à des lendemains qui déchantent.

Même a posteriori, même lorsqu'ils admettent s'être fait bernés, les Français n'éprouvent pas plus de reconnaissance pour les Barre et les Bayrou qui ont eu l'honnêteté de décrire la situation et de proposer des solutions pragmatiques plutôt que des illusions.

La seconde malédiction française est l'illusion du pouvoir que confère le système majoritaire. Les gagnants des primaires s'y croient : la majorité des primaires légitimerait leurs aspirations. Pour eux, nul besoin de prendre en compte les idées défendues par ceux qui ont perdu. Ils sont pourtant toujours là. Rassembler une majorité électorale ne suffit pas à gouverner un pays. Donald Trump en fait l'amère expérience. Il faut ensuite fédérer une majorité populaire bien plus large que les majorités électorales. Cela nécessite d'écouter, de dialoguer, de rassembler. Cela nécessite de la patience pour être beaucoup plus efficace ensuite dans l'application des décisions et leur pérennité. Ainsi, une fraction de la gauche et de la droite ont-elles pris le pouvoir et par des systèmes de majorités gigognes dignes de Bolloré, ils pensent pouvoir contrôler le pays tout entier. Qui peu raisonnablement croire que les 1 million de personnes qui viennent de voter pour Benoit Hamon ou les 2 millions qui ont voté pour François Fillon, pourraient imposer tel quel leur programme et leur point de vue aux 63 millions de Français qui ne se reconnaissent pas dans ces programmes et ces idées !?! Une telle prise de pouvoir ne peut susciter qu'au mieux la passivité au pire la révolte, mais certainement pas l'adhésion nécessaire au redressement d'un pays.

La troisième malédiction française, c'est l'illusion de penser qu'une république n'a pas besoin d'un parlement. Nous n'avons plus d'élections législatives. Nous nous contentons de désigner des petits larbins d'une majorité présidentielle ou des petits larbins d'une opposition systématique. Les uns comme les autres n'ayant pas l'indépendance nécessaire à un véritable travail législatif de qualité ou à un contrôle rigoureux et indépendant du gouvernement. Ils critiquent systématiquement pour les uns. Soutiennent aveuglément pour les autres. Leurs amendements constructifs aux lois sont rares car rarement pris en compte, car rarement dénués d'arrières pensées politiciennes. Faute d'un vrai travail parlementaire, nos lois sont absurdes, pléthoriques, inapplicables, coûteuses, changeantes et déconnectées du terrain.

A chaque fois, je me dis que la démocratie a le mérite de permettre au peuple d'assumer pleinement les conséquences de ses erreurs. Au moins, les peuples démocratiques ont-ils l'obligation d'assumer leurs propres erreurs. En France, à force d'assumer le chômage de masse, le déclin économique, la perte de pouvoir d'achat, la perte d'influence, on pourrait penser que nous aurions une capacité collective à nous remettre en question. A cesser de regarder l'élection présidentielle comme une petite course de chevaux, amusante car pleine de surprises et de rebondissement comme une saison sur Netflix, plutôt que passionnantes car les orientations politiques discutées mettent en jeu notre avenir à chacun.

Mais à chaque fois les malédictions reviennent irrémédiablement. On rejette une illusion pour se rejeter dans une autre. On abandonne un prétendu homme providentiel pour s'en choisir un autre. Et dans quelques mois, on votera sans doute pour une nouvelle génération de parlementaires faire-valoir d'une hypothétique majorité présidentielle ou de son opposition.

Ou peut être pas ! Puisque les temps changent parfois. Maintenant que le PS a choisi de disparaitre, est-ce que LR est encore utile ? Et maintenant que LR commence à disparaitre, est-ce que le PS est encore nécessaire ? Peut-être pourrons nous enfin rassembler le pays et veiller à ce qu'il travail collectivement à son redressement général.

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