Le projet d'agglo chiche ! (ou s'agit-il seulement de berner les Bernois) ? (mardi, 13 juillet 2010)

Le projet d’agglo avance. Semaine après semaines. Des réunions plénières, des groupes de travail et surtout un comité de pilotage qui décide. La direction est claire : pour la première fois, on élabore ensemble une vision commune de l’agglomération genevoise qui pourra mettre un terme à 30 années d’un développement schizophrénique qui a conduit à construire les logements très loin des emplois. 30 ans plus tard nous commençons à être tous paralysés dans les bouchons et dans la nostalgie de notre qualité de vie perdue.

Pourtant derrière ce consensus de façade, deux conceptions s’affrontent sur le projet d’agglo. Deux conceptions qui transcendent les clivages nationaux.

D’un côté les cyniques qui estiment que le projet d’agglo est illusoire. Pour eux, le seul objet de ce projet est de faire croire aux instances fédérales suisses qu’il y a une vision commune de l’agglomération pour que Berne contribue au financement des infrastructures de transport comme elle le fait pour Zürich et Bâle. Ces cyniques ne comptent financer que les infrastructures subventionnées par Berne.

Si l’on suit la logique des cyniques, on se retrouve avec un projet d’agglo réduit à la portion congrue. Il n’en subsistera que les transports en commun transfrontaliers qui permettront d’organiser la transhumance pendulaire quotidienne. Genève continuera de ne pas construire de logements comme elle le fait depuis la signature du premier projet d’agglo. Le Genevois français continuera de s’urbaniser de manière excessive et désorganisée. Les cyniques croient que les transports en commun résoudront ce problème.

Les cyniques n’ont pas pris conscience que ce projet d’agglo réduit aux transports en commun serait une catastrophe pour les habitants du Genevois franco suisse. Les investissements en infrastructures financés par Berne ne suffiront jamais à absorber l’afflux massif de population attiré par les conditions fiscales aux entreprises et exilés loin du centre par l’absence de construction de logements à Genève. Au rythme actuel il faudrait un nouveau CEVA tous les 7 ans alors qu’il aura fallu plus du double entre le premier vote par le Grand Conseil et l’ouverture au public. Les cyniques oublient qu’il est financièrement impossible de construire un réseau de transport en commun performant lorsque la périphérie et la ville sont séparées par une bande de 6 à 8 kilomètres de campagne.

On compte parmi les cyniques quelques Conseillers d’Etat Genevois, des hauts fonctionnaires genevois et des Maires de communes françaises récipiendaires des fonds bernois. Pour ces Maires subventionnés, un tram et une gare payés par Berne feraient jolis sur un bilan municipal – cela vaut la peine de passer sous un silence complice les violations répétées du canton sur la construction de logements. Ils négligent le fait que ces infrastructures permettraient à Genève de s’exonérer un peu plus de sa responsabilité sur le logement. Ce ne sont pas les habitants d’Annemasse et de Saint Julien qui bénéficieraient du tram et de ces gares mais les nouveaux Genevois exilés contre leur gré à Annemasse et Saint Julien en Genevois.

De l’autre côté, il y a tous ceux qui croient en la nécessité du projet d’agglo. Qui estiment qu’il est temps que les politiques économiques et du logement de Genève soient cohérentes. Que le Genevois français ne doit plus être l’exutoire des incohérences genevoises. Qui estiment que le Genevois français peut créer des emplois si Genève cesse de pénaliser l’activité économique en exportant sa pression foncière. Que nous devons densifier l’habitat à proximité des réseaux de transport en commun de part et d’autre pour que les nouveaux habitants ne soient pas des automobilistes supplémentaires. Nous estimons que le projet d’agglo n’a de sens que dans sa totalité. Nous estimons que si le coût des infrastructures rendues nécessaires par le développement économique externe de Genève est trop lourd il faut alors repenser la politique économique genevoise pour mieux échelonner les dépenses d’infrastructures.

Nous sommes de plus en plus nombreux à ne plus avoir confiance dans le projet d’agglo lorsqu’on constate que Genève s’en éloigne en se montrant incapable de construire assez de logements et lorsque les discussions sur les financements des autres infrastructures ne sont ni bouclées ni même ouvertes – car sans objet pour les cyniques.

Pour nous, un projet d’agglo dont on ne laisserait que les rares infrastructures cofinancées par Berne serait une catastrophe pour tous les habitants du Genevois franco suisse. Pour nous, les transports en communs transfrontaliers seraient aussi inefficaces qu’un sparadrap sur une hémorragie tant que la pénurie de logements à Genève ne sera pas résolue.

Pour nous l’Association Régionale de Coopération doit être une institution qui permette d’élaborer des positions communes côté français face au canton de Genève. Pour les cyniques, l’ARC n’est qu’un réceptacle à subvention. Il semble que nous ayons marqué quelques points puisque la constitution des commissions de travail de l’ARC a finalement été accélérée.

Pour nous il serait préférable de ne pas signer le nouveau projet d’agglo plutôt que de s’engager dans un marché de dupe. Pour nous il vaut mieux que Genève passe un tour d'appel à projet, plutôt que de s’engager dans une direction si mauvaise. Il n’est d’ailleurs pas sûr que les Bernois se laissent berner par les cyniques.

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