Pour le respect des droits fondamentaux en Haute-Savoie (jeudi, 22 octobre 2015)

L'hiver dernier, j'ai identifié qu'un marché public de communication sur les espaces naturels sensibles du Conseil Général de Haute-Savoie avait été confié en 2012 à l'entreprise dirigée par le compagnon de l'actuelle directrice de la communication, qui travaillait alors déjà dans le service, sur la base d'un rapport d'analyse des offres manifestement incorrect. L'offre de l'entreprise en question était pourtant la plus chère de toutes les offres reçues. C'était la seule qui présentait la curiosité statistique d'être aussi proche de l'estimation faite par les services (une estimation pourtant inconnue des entreprises candidates) et très proche également du seuil des 200 000 euros qui impose une validation par les élus de la commission d'appel d'offre. Elle était plus élevée de 74 000 euros par rapport à l'offre la moins chère. J'ai alors demandé que me soit communiqués les rapports d'analyse des offres pour tous les marchés attribués à cette entreprise, Publicis Activ, ainsi qu'à une autre sur laquelle on avait attiré mon attention (New Deal). Depuis 2008, selon les informations reçues, les marchés publics de la communication attribués à ces deux entreprises s'élèvent à près d'un million d'euros. En violation de la loi, le directeur général des services du Conseil Général a refusé de me communiquer ces documents en mars dernier.

Elu départemental, membre suppléant de la commission d'appel d'offre de surcroit, j'ai donc posé des questions précises à l'exécutif départemental au sujet de ces marchés lors d'une séance de la commission permanente en privé. Je les ai posées à nouveau par écrit. Plutôt que de répondre à mes questions pour clarifier le sujet, ou plutôt que de sanctionner le cas échéant les agents fautifs, le Président du Conseil Général a déposé plainte contre moi pour avoir publié en mars la note que vous trouverez en lien ici sur ce sujet. J'ai comparu la semaine dernière au tribunal correctionnel d'Annecy. Ma défense m'a couté 5000 euros soit deux mois de mes revenus d'élu local. Je n'ai pourtant fait que mon devoir d'élu d'un organe délibératif dont la mission constitutionnelle consiste précisément à contrôler les actes de l'exécutif. Cela pose la question de la liberté d'expression en Haute-Savoie. Une liberté d'expression garantie par la convention européenne des droits de l'homme pour tout citoyen. Une liberté encore plus étendue pour les élus soumis au contrôle de tous, tout particulièrement durant les périodes électorales. Si nous voulons améliorer l'efficacité de la gestion publique départementale, il est nécessaire de sanctionner toute tentative d'intimidation des élus et des citoyens.

Il est tout simplement temps de veiller à l'application en Haute-Savoie de la convention européenne des droits de l'homme qui en son article 10 garantie que "toute personne a le droit à la liberté d'expression". La cour européenne des droits de l'homme a jugé que : "La liberté d'expression vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels, il n'est pas de « société démocratique ». » Il est effectivement choquant qu'un marché public du conseil général de Haute-Savoie soit attribués de cette manière là et que le conseil départemental refuse d'appliquer les lois existantes sur la communication des autres marchés. Pour que le peuple puisse exercer pleinement sa souveraineté et exiger que soit mis fin à ces pratiques, il faut au préalable qu'il puisse être informé. Pour que la justice puisse être rendu, il faut que les témoins ne soient pas intimidés.

Lors de l'audience, les faits cités plus haut ont été évoqués publiquement. Par ailleurs :

Bien sûr, il suffirait que le Conseil Départemental réponde aux questions posées ou encore publie les rapports d'analyse des offres demandés pour que soit mis fin à ce débat. L'ensemble de ces faits me semblent suffisamment graves et exceptionnels pour devoir être portés en toute transparence à la connaissance des Haut-Savoyards souverains.

Vu les montants, la gravité des faits évoqués à l'audience et le caractère tout à fait exceptionnel de ma comparution, on peut s'étonner de l'absence de compte rendu détaillé de cette audience à ce jour. Pour ma part, je comprends les dilemmes auxquels sont confrontés les rédacteurs en chefs des médias locaux : le conseil départemental est l'un des annonceurs important du département. Professionnellement, les rédacteurs en chef sont jugés notamment sur l'équilibre financier précaire de leur média, qui dépend des annonces du conseil départemental. Au conseil départemental, c'est la direction de la communication qui affecte ces budgets. Et lors du vote du budget 2015, l'exécutif a proposé que ce soit la direction de la communication plutôt que la direction juridique qui décide de l'affectation des annonces légales. De quoi renforcer le lien de dépendance financière entre les médias locaux et le conseil départemental. La direction de la communication et les médias locaux sont souvent en contact : parfois au sujet de l'actualité départementale, parfois pour parler des budgets d'annonces publicitaires et légales. C'est en raison de cette dépendance financière que la plupart des médias locaux n'ont pas une totale liberté d'informer les habitants sur l'actualité départementale.

A l'audience, il y avait deux journalistes qui appartiennent à des médias qui ne reçoivent aucune annonce publicitaire ou légale de la part du Conseil Général : Le Faucigny et Alpes Léman. De toute évidence, cette indépendance financière leur donnera la liberté de rendre compte de l'audience de manière impartiale.

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