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samedi, 17 mars 2012

Frontaliers : les revendications justes et celles qui ne le sont pas

Hier soir avait lieu l’assemblée générale du Groupement des frontaliers au cours de laquelle de nombreuses motions ont été votées à l’unanimité des frontaliers présents. Beaucoup d’élus ou de candidats pourraient se laisser impressionner par une telle unanimité et en oublier les 60% d’habitants qui ne sont pas frontaliers (salariés en euros, inactifs, étudiants, retraités). Dans les revendications du groupement des frontaliers il y a des revendications totalement légitimes qu’il faut appuyer, soutenir et sur lequel nous devons prendre des initiatives aussi fortes que vigoureuses. En revanche il y a d’autres revendications qui ne sont pas légitimes et qui minent la crédibilité du Groupement et l’efficacité des élus qui veulent appuyer les revendications.

Commençons par les revendications totalement légitimes :

1)      La lutte contre les discriminations : Les accords de libres circulations sont extrêmement clairs. Les discriminations contre les frontaliers, quelques soient leurs nationalités sont illégales. Ces accords de libre circulation sont pour l’Union Européenne une condition sine-qua-non de la voie bilatérale choisie par la Suisse à l’initiative de l’UDC. Si les accords de libre circulation ne sont pas respectés c’est l’ensemble des accords bilatéraux qui doivent être remis en question. Les discriminations en vigueur de manière visible aux HUG doivent cesser. Ils doivent cesser aussi dans toutes les autres institutions dépendantes du canton de Genève à commencer par exemple par les SIG qui comptent plus de frontaliers de nationalité suisse que de frontaliers de toutes les autres nationalités.

2)      Le droit de pouvoir compléter ses cotisations AVS de manière volontaire. Les frontaliers, suisses et français, qui perdent leur emploi avant l’âge de la retraite se voient interdit de cotiser de manière volontaire à l’AVS pour compléter leur carrière. Un droit qui est pourtant ouvert aux travailleurs résidant. Ils se retrouvent avec des carrières incomplètes qui donne lieu à des pénalités injustifiées alors qu’ils se portent volontaires pour cotiser les années manquantes. Cette revendication est totalement légitime et doit être portée aussi par les Conseiller nationaux du canton de Genève dont 15% des électeurs résident en France.

3)      Cotisation chômage et indemnités chômage doivent être porté par la même assurance chômage : nous sommes actuellement dans une situation ubuesque par laquelle les cotisations chômages des frontaliers sont perçues par l’assurance chômage suisse alors que le risque est supporté par l’assurance chômage française. Comme si vous payiez vos primes d’assurance à Axa.. mais que ce soit Allianz qui vous indemnise lorsque vous avez un accident !?! Le montant total est considérable : environ 200 millions d’euros annuels qui viennent en déduction des cotisations chômages payées par les entreprises suisses et en plus des indemnités chômages payées par les entreprises françaises. Ce scandale doit cesser par une renégociation en cours entre la Suisse et la France. Ces négociations doivent être appuyée par les élus de notre agglomération tant pour des raisons éthiques, de solidarité que de rééquilibrage de l’activité économique. Cela doit intervenir au plus vite pour que les frontaliers ne soient plus la main d’œuvre d’ajustement de l’économie genevoise, mais comme des contributeurs à part entière de la production de richesse genevoise.

4)      Le développement des infrastructures de transport et en particulier le bouclage du financement du CEVA. Nous avons pris 30 ans de retard et nous mettrons sans doute 30 ans à rattraper ce retard.

 

Certaines revendications sont en revanche illégitimes :

1)      Le deuxième pilier relève de l’assurance retraite obligatoire et n’est pas une complémentaire retraite. Les retraits ne doivent se faire que sous la forme de rente. Les retraits en capital doivent être interdits. Ce n’est pas rendre service aux frontaliers que de défendre une fiscalité moindre sur les retraits en capital qui permettrait aux frontaliers qui vivraient le plus longtemps de dépenser l’intégralité de leur capital avant leur décès. Il ne s’agit  pas seulement d’imprévoyance de la part de certains frontaliers, mais simplement de solidarité entre ceux qui vivraient moins longtemps que l’espérance de vie et ceux qui vivraient plus longtemps. Il s’agit aussi de solidarité vis-à-vis de la  communauté nationale qui a déjà la charge des retraites des salariés en euros. Le Groupement des Frontaliers devrait au contraire défendre l’idée que la capital puisse être rapatrié afin de limiter les risques de changes tout en incitant à des innovations législatives pour obliger au retrait sous forme de rente.

2)      L’assurance maladie privée est aussi indéfendable à long terme. Le gros du coût des assurances maladies ce sont nos vieux jours ou notre fin de vie. Soit dans le cas d’une maladie grave soit en raison des frais de santé durant la retraite. Par définition les frontaliers sont des actifs. La proportion de personnes âgées et de malades graves est donc par définition faible parmi les frontaliers. C’est ainsi que les cotisations d’assurance maladie des frontaliers sont particulièrement faibles : ça ne coute pas cher d’assurer des frontaliers jeunes et en bonne santé que des retraités pauvres et malades. Un élu de la république ne peut certainement pas reprendre à son compte l’idée extravagante que les actifs français et suisse participent chacun à la solidarité nationale envers les plus âgés et les malades graves alors que les frontaliers s’en affranchiraient. Oui cela coutera très cher aux frontaliers – entre 0% et 7,5% de son revenu imposable : bienvenue au club, l’assurance maladie coûte très cher aux salariés en euros et très cher aussi aux résidants suisses. L’exemple cité hier soir à l’assemblée générale des frontaliers citant le cas d’une personne à temps partiel n’est pas correct puisque le calcul de la cotisation permet une progressivité du taux de cotisation qui réduit les montants pour les plus faibles salaires. Soyons clairs, cette revendication n’aboutira pas de manière durable. Il serait d’ailleurs préférable pour les frontaliers que la transition se fasse à un moment où les taux de changes sont élevés. Il serait plus efficace pour le Groupement de prendre acte de l’impossibilité de défendre un régime aussi dérogatoire vis-à-vis de tous les autres habitants et de préparer cette transition. Je suis effaré de voir l’impréparation de l’ARS, des hôpitaux du Genevois français et des responsables politiques au choc qui va se produire le 31 mai 2014 lorsque plus de 60 000 personnes devront du jour au lendemain se faire soigner en France plutôt qu’en Suisse. Lorsque tous les frontaliers perdront du jour au lendemain environ 5% de leur pouvoir d’achat et que les plus fortunés iront s’installer à Genève pour choisir la LAMAL. Le Groupement devrait au contraire être moteur pour que cette transition se passe bien : négocier une plus grande flexibilité dans le choix du praticien de part et d’autre de la frontière. Une autre possibilité serait de négocier une réouverture du droit d’option en 2014 qui permettrait aux frontaliers de choisir entre la LAMAL et la CMU. Cette revendication du Groupement des frontaliers manque de solidarité vis-à-vis des deux communautés nationales. Elle empêche une préparation saine de la transition.

 

Pour les élus qui ont à cœur de défendre efficacement les frontaliers et la cohésion nationale, il est capital de faire la part des choses entre les revendications légitimes et celles qui ne le sont pas : c’est une question de justice et de solidarité vis-à-vis des habitants qui ne sont pas frontaliers et de la communauté nationale qui paient des assurances maladies et paient leur retraite. C’est accessoirement aussi une question d’efficacité, si les élus commencent à reprendre à leur compte même les revendications illégitimes des frontaliers ils ne seront simplement plus entendus lorsqu’il s’agira de porter les revendications essentielles.

12:32 | Commentaires (7) | |  Facebook | |  Imprimer | |

Commentaires

Salut Antoine,

je vais me faire traiter de tous les noms mais tant pis.
Depuis que tu es au CG je constate que tu as franchi un cap et ton argumentation s'en ressent très nettement.

J'ai l'impression que tu as pris conscience que des français vivaient et travaillaient en France et que le territoire n'était pas seulement peuplé de frontaliers.

J'aime bien aussi la dernière phrase :"si les élus commencent à reprendre à leur compte même les revendications illégitimes des frontaliers ils ne seront simplement plus entendus lorsqu’il s’agira de porter les revendications essentielles" cependant je crains que sur ce point tu ne sois jamais entendu, en période électorale le clientélisme est de règle et les engagements de campagnes contraignent les élus tout au long du mandat.

Ceci dit, et tu le sais, je ne partage pas l'ensemble de tes idées, mais j'ai plaisir à te lire quand c'est intelligent (selon mes propres idées)

Bien à toi .

JFF

Écrit par : Erebus | samedi, 17 mars 2012

Bonsoir Antoine,

Je suis entièerement d'accord avec ton argumentaire.

Je relèverai deux points principaux:

- Le deuxième pillier c'est une chance d'avoir ce complément de retraite, et je suis entièrement d'accord que comme pour tout salarié suisse il ne soit possible que de le retirer sous forme de capital pour l'aquisition de son logement principal et ce au maximum de l'avoir disponible à 50 ans

Ce n'est pas un jackpot mais un complément pour notre retraite bien utile.

- L'assurance maladie, pour moi et ma famille au moment du choix j'ai choisi la lamal quitte a payer cher mais au moins j'ai la possibilité de choisir de me faire soigner aux HUG ou quand on voit l'hopital de St Julien il n'y a pas photo.
Tout le monde que je connais me disait que j'étais fou de payer de telles sommes ......
Mais je disais toujours, je paye jeune et en bonne santé, et quand un jour j'aurai des problêmes je n'aurai pas un risque de refus de prise en charge ou un changement de régime dérogatoire ou je ne sais pas d'autre surprises.
Je crois en une certaine solidarité, j'ai eu moi même des pépins de santé et j'étais content que l'assurance paye des sommes farmineuses pour me soigner, c'est la solidarité.

Tout le monde savait très bien que ce régime dérogatoire était reconduit sans vraiment de justification et je suis entièrement d'accord avec ton analyse qui suit.
Il ne faut pas oublier qu'il a été reconduit au moins a deux reprises.

Quitte à me faire insulter il faut savoir dire que nous devons être solidaire que ce soit d'un coté ou l'autre de la frontière......

Pour le reste de ton analyse je pense globalement juste et toujours aussi pertinant et dans la volonté de bousculer les positions de statusquo

Continue ton combat, je suis dés fois un peu plus réservé quand tu mets les genevois dans ton colimateur et tes propos peuvent prêter a confusion mais au moin on doit te reconnaitre un certain courrage.

Au moins toi tu assumes et tu as un raisonement global juste à mon sens.

Meilleures salutaions

Écrit par : BRUNO | samedi, 17 mars 2012

Bonjour Antoine,

Une prise de position empreinte de bon sens et d'un courage
dont devraient s'inspirer plus souvent nos ténors politiques locaux. Je salue ce comportement responsable d'un élu qui sait être à l'écoute de ses concitoyens notamment au travers de ce blog. Un petit salut amical à Bruno dont le commentaire citoyen au sujet de l'assurance maladie n'est pas si courant , hélas,chez les frontaliers que je côtoie régulièrement.

Merci Antoine et continuez comme cela longtemps.

Cordialement

Écrit par : Sabaudia | dimanche, 18 mars 2012

Tout à fait d'accord avec vous sur tous les points
une precision pour la nature juridique du second pilier qui a été
l'objet de colloques des Barreaux lemaniques(Geneve,Vaus,Thonon-Genevois Savoyard,Valais).Pour ceux qui st mariés en communauté, le second pilier est un propre s'il demeuree sous forme de retraite; commun s'il est retiré en capital et, par ex.,investi ds une maison.A mettre en relation avec le tx de divorce des frontaliers(et des autres)!

Écrit par : favre jean luc | dimanche, 18 mars 2012

Hello Antoine,
Je suis frontalier et je suis d'accord avec l'ensemble de tes remarques sauf que le pouvoir d'achat que vont perdre les frontaliers est plus proche de 8% et pour les couples dont les deux travaillent en Suisse 2x8%. Je pense que ce sera très difficile pour de nombreux frontaliers à financer, et que l'on doit s'attendre à des conséquences en terme de consommations sur les zones frontalières. Si à moyen terme cette solidarité apparait nécessaire, à court terme l'économie locale risque de s'en ressentir. Dans tes messages, tu es d'ailleurs souvent critique à l'égard des frontaliers et attire l'attention sur les conditions des salariés en euros, tu as raison c'est bien d'être critique, il faudrait néanmoins aussi signaler que le dynamisme de la région est aussi dû en partie aux revenus frontaliers. La baisse du revenu disponible entraînera forcément une baisse de ce dynamisme. Ne néglige pas cet éléement.
Enfin un élément qui me semble aussi à prendre en compte, les frontaliers paient en Suisse une assurance accident, qui prend en change tous les coûts liés à un accident professionnel ou privé. Cela devrait être pris en compte, mais la solution la plus logique serait effectivement une souscription à la LAMAL, ainsi la cohérence serait préservée. Mais ce n'est pas la solution que préconise les accords européens (couverture de santé dans le pays de résidence)

Écrit par : Lionel Bally | lundi, 19 mars 2012

Salut Lionel,

Il y a un abattement d'un peu plus de 9000 euros annuels.. et c'est à partir du revenu fiscal de référence qui comprend lui même des abattements. Du coup on ne sera jamais à 8% mais le taux tendra vers les 8% pour les revenus les plus élevés.

Je ne sous estime pas du tout l'impact de ce changement. Il sera cataclysmique : en terme de pouvoir d'achat, en terme de rééquilibrage des conditions de rémunération de part et d'autre de la frontière, sur les recettes des médecins généralistes, sur les flux de patients. La préparation de ce changement majeur est en retard. L'intérêt du groupement serait au contraire de tirer toutes les sonnettes d'alarmes pour que commence dès maintenant les travaux de préparation plutôt que de demander un report qui n'est pas solidaire.

Personnellement je ne suis pas du tout critique sur les frontaliers : ils contribuent de manière capital à la création de richesse de notre département et de notre agglomération. Ils sont indispensables. Je serai mal placé. en revanche j'essaie de contribuer à veiller que les uns et les autres comprennent les problèmes des uns et des autres.

Amicalement,

Antoine

Écrit par : Antoine Vielliard (St Julien en Genevois) | lundi, 19 mars 2012

Bonjour Antoine et bravo pour tes prises de positions sur les revendications légitimes et et celles qui ne le sont pas sachant qu'il est plus facile de défendre la première catégorie.

L'assurance maladie doit revenir dans le giron commun et le groupement des frontaliers perd son temps, sa crédibilité voire son argent à défendre ce "régime spécial". D'ailleurs on peut peut être se demander si le groupement est vraiment aux services des frontaliers ou au service des assureurs privés, l'un en particulier.

Cette situation constitue un dumping social à l'avantage des entreprises suisses au détriment des entreprises françaises. Chacun connait la difficulté pour les entreprises françaises de fidéliser leurs salariés et pas seulement dans le domaine de la santé.
Faire payer le coût réel de leur assurance maladie aux frontaliers relève de la cohésion sociale. Nul doute que l'attractivité sera moindre et l'équilibre entre nos deux territoires s'en trouvera renforcé. Ne nous cachons pas que les populations qui vivent en France et qui y travaillent subissent nombre d'effets pervers à la situation frontalière.
Je suis également effaré de l'impréparation au changement. Je suis certain que pas un frontalier sur 10 ne se doute que dans deux ans il devra changer d'assurance avec un impact financier non négligeable.
Nul doute que nous allons dès les élections passées être abreuvés de message émanant des assureurs privés qui vont voir une manne leur échapper.

Je serai aussi curieux de connaitre la position des candidats aux législatives.

Cordialement.

Écrit par : Jean-Luc Soulat | dimanche, 25 mars 2012

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