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jeudi, 10 janvier 2013

Forfaits fiscaux suisses : la France défend ses intérêts

En fin d'année dernière, le parlement fédéral a décidé de manière unilatérale et sans consultation des pays concernés de maintenir les forfaits fiscaux : une politique fiscale particulièrement aggressive à l'égard des centaines de millions de contribuables honnêtes de l'Union Européenne. La France, a son tour, a décidé tout aussi unilatéralement de ne plus faire bénéficier les dits forfaits fiscaux de la convention de double imposition. Une décision qui crée la polémique en Suisse. Pour faciliter la compréhension du point de vue français, j'ai proposé le texte ci-dessous au journal Le Temps qui l'a publié hier.

 

Le 6 décembre dernier, Pascal Broulis, conseiller d’Etat du canton de Vaud, suggérait aux élus locaux de la région lémanique de veiller à apaiser les relations entre nos deux pays. Ses récents propos guerriers sont bien loin des conseils prodigués il y a un mois.

 

Pascal Broulis a tort. Il a tort de suggérer aux élus locaux de se désintéresser des relations binationales autant qu’il a tort d’attiser les tensions. Nos territoires frontaliers doivent sans cesse impliquer Berne et Paris pour contribuer à la résolution des problèmes créés par la disparité de nos législations. Nous avons un besoin vital que la relation entre nos deux pays soit authentiquement forte, constructive et sincère. Nous devons être des accélérateurs d’un dialogue adulte et responsable. C’est l’objet de ce texte.

 

La France comme la Suisse sont deux Etats souverains. Ils ont donc toute légitimité à décider des lois qui s’appliquent sur leur sol. La Suisse était légitime à revoir de manière unilatérale l’application de la convention de double imposition sur les retraits en capitaux des deuxièmes piliers des frontaliers : puisque la France ne l’imposait pas avant 2011, la Suisse avait légitimement le droit de l’imposer. De la même manière et dans des conditions strictement symétriques, la France est souveraine sur l’application de la convention de double imposition sur les revenus générés en France. Chacun peut à tout moment dénoncer souverainement ces conventions lorsqu’il n’y trouvera plus son intérêt.

 

L’objet d’une convention de double imposition est d’éviter qu’un contribuable susceptible d’être imposé dans deux pays finisse par être imposé deux fois. Une convention de double imposition n’a pas vocation à devenir une convention de non imposition ou de sous imposition. Si la Suisse renonce à imposer équitablement les plus fortunés, alors les conventions de double imposition perdent leur raison d’être.

 

M. Broulis estime que « c’est une déclaration de guerre, une de plus de la part de la France ». Que pense-t-il du caractère belliqueux d’une fiscalité dérogatoire qui offre des conditions plus favorables aux contribuables des Etats voisins que les conditions qui sont offertes aux contribuables Suisses ? A l’heure où certains oublient leurs valeurs et défendent les thèses de préférence cantonale ou nationale, il est piquant de constater qu’en matière de fiscalité on applique plutôt la préférence à l’étranger pourvu qu’il soit fortuné. Trop de décideurs se complaisent à faire passer la Suisse pour une victime sans jamais considérer l’impact désastreux des décisions de la Confédération sur les pays partenaires.

 

La France aurait pu mieux prévenir, certes. Mais à quoi bon ? On voit les effets du dialogue concernant les négociations en cours sur la fiscalité des multinationales.  Le vrai sujet ! Car n’en doutons pas, pour tous ceux qui savent faire des additions, les forfaits fiscaux ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Une partie émergée qui fait vendre du papier glacé de magazines people. Pour les vrais journaux, le fond du problème c’est la fiscalité dérogatoire sur les multinationales. L’Union Européenne chiffre à 250 milliards d’euros le manque à gagner en impôts sur les sociétés pour ses pays membres  en raison de cette fiscalité dérogatoire. Mon expérience professionnelle me conduit à penser que cette estimation exorbitante est correcte. Voilà plus de 10 ans que l’Union Européenne a clairement informé la Suisse qu’elle avait franchi la ligne rouge : la fiscalité dérogatoire est déloyale vis-à-vis des Etats voisins. La Suisse est bien sûr souveraine dans la détermination de ses taux d’impositions, mais il est déloyal d’appliquer des taux plus favorables aux entreprises étrangères que ceux qui s’appliquent aux entreprises locales. « Une fiscalité prédatrice » estime avec courage le ministre des finances genevois. Voilà 10 ans que Pascal Broulis est informé que l’Union Européenne sera conduit à préserver ses intérêts si ce système perdure. On attend encore les propositions du Président de la Conférence des Gouvernements Cantonaux. Le dialogue constructif entre la Suisse et l’Union Européenne tourne à la course de lenteur. Manifestement, de plus en plus de partenaires de la Suisse constatent que la méthode américaine qui consiste à décider d’abord et à discuter après semble plus efficace pour conduire à la prise de décision dans un système de démocratie directe.

 

A en juger par les thèmes des dernières initiatives populaires, l’Union Européenne et le peuple Suisse sont sur le point de tomber d’accord sur le fait que cette fiscalité dérogatoire et son corolaire démographique sont incompatibles avec la libre circulation : cela conduit à une saturation des infrastructures et des tensions sociales en Suisse, et à des pertes fiscales massives dans l’Union Européenne. Tôt ou tard, le peuple Suisse sera conduit à choisir souverainement entre la libre circulation et la fiscalité dérogatoire en faveur des entreprises et des particuliers étrangers.

 

A charge pour les élus locaux frontaliers que nous sommes de veiller à ce que le dialogue entre nos deux pays reste franc, sincère et adulte pour que le choix souverain du peuple Suisse soit un choix informé plutôt qu’un choix de passion.

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