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lundi, 28 janvier 2013

Genève n'est pas sous perfusion !

Hier soir, dans une émission de télévision dans laquelle j'intervenais, un député genevois du parti libéral a estimé que le Genevois français était "sous perfusion" de Genève. Cette arrogance n'est malheureusement pas si marginale. Il y a trois semaines j'ai reçu un message d'un autre membre du parti libéral qui allait dans ce sens  "permettez-moi de vous trouver bien effronté de peindre ici vos rodomontades, lorsque l'on sait les faveurs dont vos électeurs ont bénéficié à travers les largesses de notre ville prospère", par amitié pour le parti libéral, je ne publierai pas la suite ordurière de ce message. On retrouve souvent cette idée dans les contributions anonyme  au sujet de "la main généreuse qui vous nourrit" (sic).

Ce qui me frappe dans cette conception, c'est que je n'ai jamais entendu d'argument philantrope en faveur du Genevois français dans le débat sur le modèle de croissance. Je n'ai jamais entendu un Genevois affirmer par exemple "Attirons des entreprises pour donner du travail aux Français". Si Genève fait venir des entreprises c'est qu'elle estime y avoir intérêt (faute d'avoir fait tous les calculs sur les recettes et les charges à mon avis). Si les entreprises recrutent environ 30% de frontaliers c'est qu'elles estiment y avoir intérêts. Et si les frontaliers y travaillent c'est aussi qu'ils y ont intérêt. Tout le monde y trouve son intérêt et donc tout le monde peut dire merci à tout le monde car chacun y trouve son compte.

L'interdépendance est indéniable. Le Genevois français par définition est proche de Genève. Nombre de ses atouts sont liés à la proximité de Genève. : l'aéroport, la croissance économique, une rétrocession qui finance largement les communes et un fort pouvoir d'achat en moyenne. Pour autant, le fait que certains décideurs ne voient que cet aspect là est particulièrement préoccupant pour notre région. Cette conception nourrit la xénophobie ordinaire qui péjore notre prospérité commune et menace l'avenir des projets communs.

Il faut aussi prendre en compte tout ce que le Genevois français apporte à Genève. En matière d'impôt tout d'abord, avec 600 millions de francs d'impôts à la source, les frontaliers collectivement rapportent 3000 francs par famille genevoise de contribution publique soit la totalité des investissements du canton. Je ne compte ici que l'impôt à la source et même pas l'impôt payé par les entreprises qui vivent grâce aux frontaliers. Les frontaliers contribuent à hauteur de 30% de la valeur ajoutée du canton. Sans les frontaliers il n'y a ni filière de soin, ni transport en commun, ni service informatiques, ni urbanisme, ni.. ni... ni...  La France fournit gratuitement à Genève des bataillons d'actifs bien formé sans demander de compensation pour les coûts de formation. Le Genevois français loge 15% des citoyens du canton chassés faute de logements. Si Genève peut se permettre d'offrir un tel dumping fiscal aux entreprises étrangères c'est bien parce que le Genevois français assume à moindre coûts les charges publiques de cette croissance démographique. Si la politique fiscale prédatrice de Genève a tant fonctionné depuis 40 ans, c'est aussi parce que les pays voisins ont accepté de jouer les proies : nombre des multinationales qui s'implantent ont été créées dans l'Union et y exercent leur activité dont les profits sont rappatriés ici. Sans Genève, le Genevois français serait aussi "désespéré" que la Creuse affirmait hier soir M. Cuendet - ignorant à quel point la Creuse n'a rien de désespérée. Il faut bien admettre que sans le Genevois français, Genève serait sans doute dans la même situation que Porrentruy - qui n'a rien de désespéré non plus, mais qui priverait M. Cuendet de beaucoup de prétention. Bien que Genève ne pourrait réaliser aucun investissement public sans la contribution économique et fiscale du Genevois français, aucun élu français n'aurait l'arrogance, le mépris et l'aggresivité d'affirmer que Genève serait "sous perfusion du Genevois français" pour reprendre les termes de M. Cuendet.

Les Genevois ont fortement conscience de toute ce qu'ils apportent au Genevois français. Il serait utile qu'ils comprennent aussi ce qu'ils doivent au Genevois français... et à quel point la proximité de Genève a son lot d'effets particulièrement pervers. Si vous connaissez d'autres mendiants qui vous donnent 3000 CHF par an, donnez moi leur adresse !

Nos systèmes de soin, nos entreprises, nos administrations sont sans cesse pillées de leurs ressources humaines en raison d'un taux de change très éloigné des parités de pouvoir d'achat. Nous formons à grand coût et Genève se sert. Certes les chefs d'entreprises se plaignent du droit et de la fiscalité française, mais ils pourraient y faire face sans ce pillage de ressources humaines. Ils pourraient y faire face si l'afflux de Genevois dans le Genevois français ne contraignaient pas leurs propres salariés à aller travailler à Genève pour payer leur loyer devenu lui aussi genevois. Le dumping fiscal génère un afflux de richesse dans notre agglomération qui s'accompagne inévitablement aussi d'un afflux de pauvreté qui nous coûte cher en programme sociaux. Nous subissons cela aussi. Le Genevois français est l'un des territoires de France où les inégalités sociales sont les plus fortes : les pouvoirs d'achats les plus élevés cotoient les personnes les plus marginalisées. Nous subissons aussi une explosion des cambriolages. La généralisation du trafic de drogue au coeur de l'agglomération a triplé les taux de personnes dépendantes au détriment de nos budgets publics. Au fur et à mesure que Genève chasse sur les territoires voisins ses propres enfants, nos enfants à nous sont contraints de quitter leur commune. Les salariés en euros qui doivent faire fonctionner les écoles, les entreprises et les administrations n'ont plus les moyens de vivre dans ce gettho de grandes fortunes et d'expatriés que Genève bâti contre notre gré. Notre refus de laisser tomber nos enfants, comme le font les communes genevoise, nous oblige à transformer nos campagnes en ville contre notre gré. Chaque mois nous circulons un peu moins bien dans nos communes en raison de ce modèle de croissance dont nous sommes aussi les victimes.

Les remarques qu'on lit ici ou là sur ce que pourraient être Genève et le Genevois français l'un sans l'autre sont une perte de temps : jusqu'à la fin du monde, Genève et le Genevois français seront voisins. Ils ont simplement besoin de mieux se parler et mieux s'écouter pour continuer à bénéficier de leurs différences et d'en limiter les effets pervers.

14:48 | Commentaires (3) | |  Facebook | |  Imprimer | |

Commentaires

Bonjour Antoine,

Tout d'abord bravo pour votre attitude sur léman bleu dimanche soir, il ne devait pas être facile de garder son calme face a des attaques et des contres vérités assenées avec tant de virulence de la part de votre interlocuteur, qui a manqué de descence.

Même si globalement vous avez raison quand à l'analyse de la situation je divergerai sur certains points dans l'analyse que vous faites de la situation.

Si les multinationales viennent en Suisse c'est peut être par la cause de la fisclité totalement délirante de certains états qui préfèrent augmenter les impots que de se réformer, il n'y a qu'a voir les décisions prises en France, qui ne font que faire fuir les entreprises et fermer leurs unités de productions.

Par contre la fiscalité sur les personnes est loin d'être favorable, et nous passons largement à la caisse pour compenser celà.
Donc ce qui n'est pas payé d'un coté l'est de l'autre

Je vous rejoint par contre tout a fait que Genève n'assume pas sa polititque fiscale et déverse abondement ceux qu'elle ne veut loger tant sur la france voisine que sur le canton de Vaud, et qu'il faudrait qu'elle assume en dotant plus largement les communes qui reçoivent la force de travail dont elle a besoin.

Les attaques de certains politiques sur une soit - disant perfusion de Genève sont complètement fausses quand on sait que c'est un membre de ce même parti qui a été a la tête du département chargé des construction pendant de nombreuses années.
Quand on sait que des maires ou conseil de ces mêmes communes bloquent des plans de quartier entier.

Nous sommes enfants genevois de souche ou d'adoption les premieres victimes de cette politiques qui nous a chassé hors du canton pour libérer des surfaces pour ces internationnaux aux rénumérations largement suppérieures.

Quand vous citez les employés que Genève pille, je suis a moitié d'accord avec vous, c'est l'europe qui a voulu une libre circulation intégralle, personnellement je trouvais l'ancienne loi plus adaptée ou il était prévu un temps de résidence dans le bassin avant de pouvoir obtenir un permis frontalier, de plus elle prévoyait une limite territoriale qui a été supprimée avec les dégats que l'on voit maintenant.

La première chose que font de nouveaux arrivants c'est quand ils apprennent les salaires en Suisse c'est de postuler et de laisser tomber leur job en france, ne faudrait il pas mettre en place des incitations pour qu'ils le conservent?

Vous évoquez le prix du logement, qui est hors de prix je suis entièrement d'accord mais d'autres villes dépassent nos prix régionaux .......
Et ils ne fuient pas pour autant leurs emplois, peut être faudrait il revoir les conditions pour avoir un permis de travail et aussi avoir des chartes bonnes conduites ce qui freinerait l'avancée de certains partis.


Une chose me fait peur c'est l'augmentation continuelle des fiscalités locales est-ce aux communes de la CCGE de tout financer pour les autres au niveau des transports publics.
cf article du messager de la semaine dernière

Une réflexion si nous avions aussi dans nos communes un peu plus de bon sens de maitrise des dépenses et d'arrèter de batir à tout va et de négocier des compensations ne serait-ce mieux ?
Est-ce que nos communautés de communes pourrait elle pas ralentir les dépenses et par la la fiscalité.

Bon combat et meilleures salutations.

Écrit par : bruno | mardi, 29 janvier 2013

Bonjour Bruno,

De toute évidence l'Etat français a besoin de se réformer. De réduire son train de vie, de cesser les dépenses publiques clientélistes plutôt que par intérêt général, de cesser de céder aux intérêts privés, d'aider les créateurs d'emplois à créer des emplois...etc..etc... cependant, notre fiscalité n'a rien à envier à la fiscalité suisse. Ce qui rend la fiscalité suisse beaucoup plus attractive c'est qu'elle offre des conditions dérogatoires pour les meilleurs contribuables de ses voisins. Par ailleurs, ce n'est pas tant notre fiscalité qui est dissuasive que le coût de notre système de protection social. Là encore, la protection sociale en Suisse et l'assurance maladie en particulier n'est pas beaucoup moins chère qu'en France, elle est simplement payée et donc comptabilisée différement par les employeurs et les employés. Il y a une évidence c'est que le coût de la santé est bien visible et perceptible en Suisse.. il est invisible dans le système français et de fait, encourage les abus et les dérives.

Pour ce qui est du pillage des ressources humaines, c'est en réalité un raccourci vous avez raison. De manière général il n'y a pas d'intention de piller, il y a simplement une succession d'intérêts particuliers qui conduisent à ce pillage. Je dis de manière général, car il y a des situations où il y a un pillage organisé : 1) aucune formation de chauffeur de bus et de car, 2) un recensement des besoins en personnel soignant et la mise en place de fillières de formation qui ne répondent qu'à la moitié des besoins en comptant bien sur le pillage organisé pour faire la différence, 3) des débauchages un peu trop systématiques dans certaines institutions du Genevois français qui les déstabilisent.

Sur le fond, l'ancien système avait le mérite de mieux gérer les excès de population... mais il conduisait à une récession en Suisse. Ce n'est que depuis la libre circulation que la Suisse a retrouver la croissance. Je vous rejoins sur le fait que la fiscalité dérogatoire et la libre circulation sont incompatibles : ensemble elles conduisent à un flux migratoire qui n'est pas tenable. Les Suisses d'eux mêmes renonceront à l'un ou à l'autre.

Pour ce qui est de la fiscalité communale et intercommunale, nous avons été plusieurs (dont le Maire de Neydens, Jean Verdel) a souligner qu'on ne pouvait pas continuer à ajouter les services et calculer la facture d'impôts à la fin de l'année. Nous devons faire des choix et des priorités. Cela a commencé cette année avec des décisions d'investissements qui ont été annulées ou reportées. Ceci dit, les habitants exigent à juste titre un renforcement de l'offre de transport. Le coût des transports en commun est un coût exorbitant. Nous devrons trouver des ressources pour les payer. A titre personnel je défends l'idée que ces transports devront être payées par Genève et le Genevois français à concurrence de la répartition des impôts à la source des frontaliers : 75% à Genève, 25% aux colelctivités françaises. Je recommande à tous les frontaliers de demander des comptes sur l'utilisation qui est faite de leurs impôts à la source en particulier les frontaliers qui sont de nationalité Suisse, électeurs du canton de Genève dont ils représentent ensemble 15% du corps électoral !

Amicalement,

Antoine Vielliard

Écrit par : Antoine Vielliard (St Julien en Genevois) | mercredi, 30 janvier 2013

Billet très instructif (pour les non-Genevois et non-Savoyards aussi) et chute importante : c'est stupide en effet, de ne regarder que l'un des deux plateaux de la balance, quand ceux-ci sont liés pour l'éternité.

Écrit par : FrédéricLN | samedi, 16 février 2013

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