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mardi, 28 février 2012

Malgré son essor économique, Genève est en déliquescence

(tribune libre publiée dans le journal LE TEMPS du 27 février 2012)

« Genève, c’est le déclin ! ». Voilà 6 mois que je m’interroge sur cette idée iconoclaste d’un banquier genevois de retour après 5 ans à Zurich. Il poursuit : à Zurich, il y a des débats, puis des décisions et des réalisations. On aime ou on n’aime pas, mais on inaugure. 5 ans plus tard, rien n’a avancé à Genève. On s’offre le luxe d’une trentième année de débat sur les communaux d’Ambilly, la traversée de la rade et la pénurie de logements.

Quel choc ! Voilà qui détonne du discours habituel des élus genevois qui se gargarisent de l’attractivité de Genève. Le monde entier souhaite vivre ici, disent-ils au contraire. Ils mesurent leur succès au nombre d’expatriés qui viennent. Ils seraient sans doute plus humbles s’ils accordaient autant d’attention au nombre de Genevois qui partent.

Pourtant, un grand médecin genevois confirme le diagnostic. Il me raconte les observations de patientes étrangères qui reviennent une fois par an à Genève pour des examens médicaux. Leur bilan est sévère : on circule moins bien, la police est absente, les dealers plus nombreux, la crise du logement plus sévère… et l’humeur des Genevois proportionnelle à leur angoisse de l’avenir.

D’un point de vue économique et budgétaire, Genève n’est pas en déclin -contrairement à la France-. Ici le déclin est un déclin de qualité de vie, de mobilité, de sécurité, de pouvoir d’achat, de logements et de cohésion sociale. Le déclin se mesure à l’indécision politique. Où est l’autorité politique qui impose avec fermeté la volonté du souverain cantonal sur les logements face aux intérêts particuliers? Le déclin se mesure à cette constatation que chaque année plus de la moitié des électeurs supplémentaires du canton sont des « Genevois de l’étranger ».

Le déclin transforme Genève en un Monaco sur Léman où cohabitent des forfaits fiscaux, des expatriés et des Genevois âgés. Les familles, les jeunes et la classe moyenne sont condamnés à l’exode. Si Genève était une PME, on la dirait en plein essor, mais Genève est une société humaine qui se délite faute de sens. L’agglomération s’étend désormais à 200km à la ronde créant chaque année plus de pendulaires. Générant des problèmes de mobilité insurmontables. Interdisant l’installation dans l’agglomération des policiers et des enseignants dont elle a besoin pour sa croissance. Genève est dépendante d’une activité économique étrangère volatile qui concurrence de manière déloyale l’activité économique locale pourtant plus enracinée.

Ce déclin est politique. Les intérêts croisés empêchent d’aborder les sujets qui fâchent. Influencée par la politique française, la politique genevoise en reprend les caricatures d’un débat stérile. Les corps constitués s’y affrontent dans des jeux de rôles factices.

Le microcosme politique genevois vire au « nanocosme ». Le Grand Conseil est un parlement de lobbyistes plutôt que de milice : il y a les députés des locataires, ceux des policiers, ceux des avocats et des régies, ceux des associations environnementales… et des agriculteurs un peu partout. L’intérêt général n’émerge pas de la somme des intérêts catégoriels. A en juger par les réseaux sociaux, les députés interagissent plus entre eux qu’avec les Genevois. Ils se retrouvent les samedi matin place du molard, pendant que les habitants font leurs commissions en France depuis 30 ans.

Malgré cette connivence, pas de dialogue pour construire les consensus nécessaires. Il n’y a aucun compromis entre la croissance économique folle imposée par le canton et le refus de croissance urbaine des communes. Faute de choix politique, voitures et bus sont bloqués en file indienne. Aucun compromis constructif non plus entre les milieux des locataires et les régies.

Pour stopper son déclin, Genève doit se projeter dans l’avenir. Genève veut-elle poursuivre sa croissance économique effrénée ? Auquel cas elle devra accepter son développement urbain, intégrer ses voisins aux prises de décisions qui les concernent, développer et financer un réseau adapté de transports en commun, densifier sa ville ! Ou Genève veut-elle rester une ville européenne moyenne ? Auquel cas elle devra stopper sa croissance, réduire ses ambitions culturelles et sociales ! Le juste milieu qui passe par plus de logements et une fiscalité équitable pour les entreprises locales reste à construire. Genève a besoin d’hommes et de femmes d’état capables de construire ce consensus, d’y fédérer une majorité et de l’imposer démocratiquement à la minorité. Comme Zurich.

Côté français, l’irresponsabilité politique genevoise devient insupportable. Les Genevois qui fuient Genève contribuent à plus de la moitié de la croissance démographique de nos communes. L’immobilier monte en flèche et fait fuir les collaborateurs des entreprises et des services publics. Les pendulaires frontaliers se logent chaque année plus loin dégradant notre mobilité et notre environnement. La cohésion sociale de notre région est menacée.

L’agglomération genevoise a besoin que Genève se montre désormais à la hauteur de ses responsabilités de capitale régionale.

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